Cest une poésie qui critique les vices et les ridicules des hommes, qu'il s'agisse d'individus ou de groupes sociaux, ou encore de toute une société. Qu'est-ce qu'un roman satirique ? C'est un roman qui se caractérise par sa volonté de dénoncer et de corriger, en s'en moquant, des comportements des personnes ou des institutions.
De son regard et de ses rĂ©flexions naissent Les CaractĂšres ou les MĆurs de ce siĂšcle 1688, dont les Ă©ditions successives 9 Ă©ditions revues et augmentĂ©es jusqu'en 1696 dĂ©montrent le succĂšs. La BruyĂšre ne publie qu'une autre Ćuvre, Dialogues sur le quiĂ©tisme, dans laquelle il condamne cette thĂ©ologie mystique. Il est Ă©lu Ă l'AcadĂ©mie française en 1693, trois ans avant de mourir d'apoplexie. 1. PrĂ©sentation des CaractĂšres ou les MĆurs de ce siĂšcle Cette Ćuvre inclassable est une collection de rĂ©flexions et une galerie de portraits ; ses 16 chapitres sont constituĂ©s de fragments formellement trĂšs divers, puisqu'on y relĂšve des maximes et une multitude de portraits qui oscillent entre analyse psychologique et anecdote significative. La BruyĂšre y apparaĂźt comme un critique et un moraliste ; il offre au lecteur un document prĂ©cieux sur les mĆurs de la fin du rĂšgne de Louis XIV. En effet, il peint toutes les classes de la sociĂ©tĂ©, aborde diffĂ©rents phĂ©nomĂšnes sociaux comme le prouvent ces titres de chapitres aussi variĂ©s Du mĂ©rite personnel », Des femmes », De la sociĂ©tĂ© et de la conversation », De la mode », De la chaire », De la cour », etc. 2. Les cibles de la critique dans Les CaractĂšres Dans sa prĂ©face, La BruyĂšre souligne sa volontĂ© d'exposer au grand jour les vices des hommes afin qu'ils puissent s'en corriger. Il reprend les cibles traditionnelles de la critique de son temps. Les institutions ne sont pas Ă©pargnĂ©es l'Eglise dans le chapitre De la chaire », la monarchie et la cour dans De la cour » et Du souverain et de la rĂ©publique ». La BruyĂšre s'attaque aussi aux riches, Ă la haute bourgeoisie et Ă l'aristocratie avec une virulence qui traduit l'amertume et l'aigreur d'un Ă©crivain issu d'un milieu modeste. Enfin, il dĂ©nonce aussi toute forme de corruption individuelle et souligne l'injustice d'une sociĂ©tĂ© qui rĂ©duit le tiers Ă©tat Ă la misĂšre. La tonalitĂ© des CaractĂšres est donc critique et annonce le vent de contestation qui s'exprime plus systĂ©matiquement au cours du XVIIIe siĂšcle. 3. L'art du portrait Le succĂšs et l'intĂ©rĂȘt des CaractĂšres reposent aussi sur le talent de portraitiste de La BruyĂšre. Son sens de l'observation, son goĂ»t du dĂ©tail pittoresque, de l'anecdote, sa capacitĂ© Ă peindre un personnage en quelques lignes sont remarquables. De mĂȘme, les procĂ©dĂ©s rhĂ©toriques qu'il emploie, comme par exemple ceux qui crĂ©ent l'ironie, font de lui un grand Ă©crivain. Mais l'originalitĂ© de cette galerie de portraits naĂźt de la dimension universelle qu'il donne aux personnages qu'il Ă©voque. Chaque personnage dĂ©crit est emblĂ©matique d'un caractĂšre, d'un vice. On passe du personnage singulier Ă l'homme en gĂ©nĂ©ral, du portrait au type. L'essentiel Jean de La BruyĂšre est cĂ©lĂšbre pour son Ćuvre Les CaractĂšres. Le talent de critique et de moraliste de l'auteur s'exprime dans une sĂ©rie de maximes et de portraits, souvent ironiques, qui permettent au lecteur d'aujourd'hui de mieux connaĂźtre le siĂšcle de Louis XIV. Vous avez dĂ©jĂ mis une note Ă ce cours. DĂ©couvrez les autres cours offerts par Maxicours ! DĂ©couvrez Maxicours Comment as-tu trouvĂ© ce cours ? Ăvalue ce cours !DĂ©noncer voire de corriger les travers d'une situation. Ătablir une complicitĂ© avec le public, pour qu'il adhĂšre aux idĂ©es de l'auteur. La devise de MoliĂšre, le cĂ©lĂšbre castigat ridendo mores, signifie qu'il faut corriger les dĂ©fauts par le rire. Le rire permet donc
Leconcept de littĂ©rature a Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement contestĂ©e par des Ă©crivains tels que par les critiques et les thĂ©oriciens: Ă lâinitiative de la SociĂ©tĂ© des Auteurs et Compositeurs Dramatiques en 1777 , et HonorĂ© de Balzac avec sa «Lettre aux Ă©crivains du XIXe siĂšcle», publiĂ© dans la Revue de Paris en 1834 qui a conduit en 1838 Ă la crĂ©ation dâentreprise des hommes
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C'est pourquoi des Ă©crivains cĂ©lĂšbres se sont chargĂ©s de changer le monde Ă1SâintĂ©ressant au cas Alexandre Avdeenko, Michel Niqueux traque ce qui relĂšve du mythe et de la rĂ©alitĂ© dans le parcours dâun auteur soviĂ©tique Ă lâĂ©poque de Staline. Comment le pouvoir sĂ©lectionne-t-il les Ă©crivains destinĂ©s Ă incarner la littĂ©rature soviĂ©tique ? Quels types dâĆuvres produisent-ils ? Quelles sont leurs conditions de vie ? Quelles limites aussi ne doivent-ils pas franchir sous peine dâĂȘtre vouĂ©s Ă une chute rapide ? Quelles possibilitĂ©s de rĂ©demption sâoffrent alors Ă eux ? 2 Alexandre Ostapovitch Avdeenko est nĂ© le 21 aoĂ»t 1908 Ă Makeevka Donbass dans la famille dâun mineur. Encore jeune, il perd ses parents, devient enfant vagabond [besprizornik] [1] et erre Ă travers le pays durant la RĂ©volution et la guerre les annĂ©es 1920, Avdeenko est placĂ© dans une commune dâanciens besprizorniki, Ă©tudie et acquiert un mĂ©tier. Ă sa sortie de la commune, il est mineur dans les mines du Donbass, travaille dans une usine mĂ©tallurgique puis va Ă Magnitogorsk, oĂč il devient aide-mĂ©canicien puis mĂ©canicien de Ă Magnitogorsk quâAvdeenko conçoit et Ă©crit sa premiĂšre Ćuvre, le roman autobiographique Jâaime [Ja ljublju], dont des extraits furent publiĂ©s en 1933 par A. M. Gorki dans la revue Nos rĂ©alisations [Nasi dostizenija]. En 1933, le roman parut en Ă©dition sĂ©parĂ©e et apporta immĂ©diatement Ă son auteur une grande peu de temps, le roman connut plusieurs Ă©ditions, fut traduit dans plusieurs langues europĂ©ennes, publiĂ© en Chine, au Japon, aux Ătats-Unis. Dans son discours au premier congrĂšs panrusse des Ă©crivains, le 22 aoĂ»t 1934, A. M. Gorki cita le roman dâA. O. Avdeenko parmi les livres Ă juste titre prĂ©fĂ©rĂ©s du lecteur la fin de 1935 parut Le Destin [Sudâba], roman sur la construction de Magnitogorsk. Les annĂ©es suivantes, Avdeenko travailla Ă des scĂ©narios de cinĂ©ma Jâaime, La Loi de la vie [Zakon Ćœizni].En qualitĂ© de correspondant de la Pravda, lâĂ©crivain prit part Ă la campagne de libĂ©ration de lâArmĂ©e rouge en Ukraine et en BiĂ©lorussie occidentales. Pendant la Grande Guerre patriotique, il fut correspondant de LâĂtoile rouge [Krasnaja zvezda], travailla dans la presse de lâarmĂ©e et du consacra au travail et Ă la lutte du peuple soviĂ©tique pendant la guerre un roman, La Grande Famille [BolâĆĄaja semâja, 1944], une nouvelle, Journal de mon ami [Dnevnik moego druga, 1946], une piĂšce, Sous le soleil Ă©ternel [Pod veÄnym solncem, 1947]. Le travail crĂ©ateur des mineurs du Donbass est le sujet de la piĂšce De la mĂȘme gĂ©nĂ©ration [Rovesniki, 1947] et du roman Le Labeur [Trud, 1951].En 1954, Avdeenko fit paraĂźtre un roman dâaventures, Au-dessus de la Tissa [Nad Tissoj], dâaprĂšs lequel fut tournĂ© un film du mĂȘme nom 1958, puis en 1955 Printemps montagnard [Gornaja vesna], qui en est la suite. En 1958, la revue Notre contemporain [NaĆĄ sovremennik] publia de nouveaux chapitres de Jâ O. Avdeenko sâest vu dĂ©cerner des dĂ©corations et des mĂ©dailles de lâURSS [2]. » 3En quelques lignes, câest une biographie exemplaire dâĂ©crivain soviĂ©tique qui est ici dressĂ©e une origine prolĂ©tarienne, une enfance difficile, la participation Ă lâun des grands chantiers industriels des annĂ©es 1930 Magnitogorsk, un premier roman parrainĂ© par Gorki suivi de scĂ©narios et de piĂšces sur lâhĂ©roĂŻsme du peuple soviĂ©tique, puis des correspondances de guerre, le tout couronnĂ© de rĂ©compenses officielles. Câest ce mĂȘme itinĂ©raire sans failles que lâon trouve, avec plus de dĂ©tails, dans lâintroduction par I. Kozlov aux Ćuvres dâAvdeenko en quatre volumes parues en 1982 Ă©ditions XudoĆŸestvennaja Literatura. Le lecteur dâaujourdâhui ne saurait deviner que cette notice est un modĂšle de non-dit, et cache entre autres la fracassante chute de lâĂ©crivain qui survint aprĂšs une ascension fulgurante. 4Reprenons donc lâhistoire de la fabrication, de lâutilisation en URSS et en France puis du rejet et de la disgrĂące dâun Ă©crivain soviĂ©tique non dissident, qui saura cependant, grĂące Ă la guerre, se rĂ©habiliter aux yeux du pouvoir, Ă©crira des romans de propagande anti-impĂ©rialiste avant de publier, quelques annĂ©es avant sa mort 1996, une confession antistalinienne au dĂ©but de la perestroĂŻka [3].La refonte et le moulage de lâĂ©crivain [4]5Avdeenko est lâexemple mĂȘme de la refonte reforgement », perekovka de lâhomme, de la rééducation par le travail dâun dĂ©linquant en homme nouveau ». Câest le sujet de Jâaime 1933, dont le caractĂšre autobiographique pour lâessentiel est confirmĂ© par les dĂ©clarations publiques ultĂ©rieures de lâĂ©crivain 6 Jâai volĂ©, dĂ©valisĂ©, levĂ© le couteau sur lâhomme sans le moindre scrupule, le moindre repentir. Pour moi, tout homme Ă©tait un ennemi. Sur les foires du Donbass, jâai volĂ© dans les charrettes des paysans des pelisses, des morceaux de lard, des pots de beurre. Ă Bakou, jâemmenais dans les ruelles sombres des hommes ivres et je leur faisais les poches. Ă Taganrog, dans le jardin de la ville, dans ses recoins les plus sombres, sous la menace de mon couteau, jâai dĂ©shabillĂ© entiĂšrement des amoureux pour les dĂ©pouiller. Ă BataĂŻsk, avec un crochet de fer, je faisais descendre des tampons des trains de marchandises les trafiquants avec leurs faisais la chasse Ă la bonne vie et les hommes me faisaient la chasse ; quand jâĂ©tais pris en flagrant dĂ©lit, on me rouait de coups. Sorti de lĂ , je me vengeais au triple de ce que les gens mâavaient Ă peu, jâĂ©tais devenu une bĂȘte humaine. Ce genre de bipĂšde est le plus terrible des animaux fĂ©roces. Il ne restait rien en moi ni amour, ni bontĂ©, ni sensibilitĂ©, ni pitiĂ©, ni compassion [5]. » 7Dans son roman, Avdeenko oppose le passĂ© et le prĂ©sent, lâenfer de Sobatcheevka La Chiennaille, ou Chiennerie, qui dĂ©signe Makeevka et lâavenir radieux qui se construit Ă Magnitogorsk. Le hĂ©ros du roman, Sania, diminutif dâAlexandre, aprĂšs avoir perdu tous les siens, victimes de la misĂšre, de lâexploitation et de lâalcoolisme, est initiĂ© par un truand au vol, au cambriolage, Ă la cocaĂŻne. PlacĂ© dans un orphelinat detdom, il se rĂ©volte, sâenfuit, se remet Ă voler, pille des trains, tue son complice, est recueilli Ă moitiĂ© mort par une communautĂ© dâanciens besprizorniki dont la pĂ©dagogie sâinspire de celle de Makarenko, finit par se plier Ă la discipline et Ă lâĂ©tude, est admis au Komsomol et va rejoindre le chantier de Magnitogorsk en 1931. Dâaide-mĂ©canicien, il devient vite mĂ©canicien, fait preuve dâhĂ©roĂŻsme aux commandes de sa belle locomotive allemande, suit des cours du soir et est admis au parti [6]. Lâavenir radieux lui apparaĂźt dans un rĂȘve utopique, caractĂ©ristique des goĂ»ts esthĂ©tiques, culturels et culturistes dâune gĂ©nĂ©ration qui aspire au bien-ĂȘtre matĂ©riel 8 Dans la salle Ă manger, la TSF me transmet la voix pleine de sollicitude dâun mĂ©decin de service de lâInstitut de diĂ©tĂ©tique â Quel a Ă©tĂ© votre rĂ©gime ces jours derniers ? Quâest-ce que vous avez mangĂ© hier ? Nâoubliez pas que manger des plats de viande tous les jours est malsain. Le matin, buvez le plus possible de lait, du cacao fort. Ce qui est trĂšs utile, ce sont les Ćufs Ă la coque. Mangez le plus de fruits possible, le suc en est trĂšs nutritif. [âŠ]Quand jâai mangĂ©, je descends en ascenseur Ă lâĂ©tage des services communs. AprĂšs mâĂȘtre rasĂ©, jâessaie un complet neuf dans lâatelier de confection ; puis je lis le journal, je retiens des places pour le théùtre, et je sors. [âŠ]Au-dessus de la citĂ© socialiste, sur lâemplacement de lâancienne taverne dâAganessov, sâĂ©lĂšve le palais de la Culture, ceinturĂ© de marbre rose et blanc. Ă cĂŽtĂ©, le palais des Soviets et le quartier des Sciences [7]. » 9Le roman, qui sâouvrait sur la dissolution dâune famille ouvriĂšre dâavant la RĂ©volution, se termine par lâĂ©vocation pudique de la naissance dâune nouvelle famille socialiste 10 â Sania, je crois que je ne peux plus aller dans la ne comprends pas lĂšvres ardentes me soufflent Ă lâoreille â Mon chĂ©ri, tu vas lâaimer encore plus que tu ne mâ sâenfuit par lâescalier de marbre qui conduit aux appartements de la maison de repos rĂ©servĂ©e aux femmes [8]. » 11Jâaime est un hymne Ă lâamour amour du travail, de la femme, de la vie nouvelle. 12Exemple de transformation dâun dĂ©linquant en hĂ©ros du travail, Avdeenko incarne aussi le travailleur de choc udarnik venu Ă la littĂ©rature, Ă la suite de la campagne lancĂ©e en 1930-1931 par lâAssociation des Ă©crivains prolĂ©tariens RAPP pour noyer sous le nombre les Ă©crivains compagnons de route ». Jâaime est le fruit du travail collectif du jeune auteur avec des lecteurs ouvriers et des Ă©crivains qualifiĂ©s », indique le critique A. Selivanosvki [9]. Le manuscrit connut en effet plusieurs phases de rĂ©daction, Ă la suite dâabord de lectures et de discussions avec des ouvriers et des membres du parti de Magnitogorsk, puis dans les maisons dâĂ©dition de Moscou. La rĂ©vision redakcija des manuscrits est une Ă©tape obligĂ©e en Union soviĂ©tique elle oscille entre la correction grammaticale et stylistique, justifiĂ©e pour les auteurs dĂ©butants, et la censure [10]. La chance dâAvdeenko est dâavoir eu comme rĂ©viseurs des Ă©crivains de talent qui ont en particulier conservĂ© lâargot des voleurs. 13Le roman parut en 1933 aux Ă©ditions syndicales Profizdat 147 pages [11], puis dans la revue de Gorki God Sestnadcatyj. Alâmanax II Lâan 16. Recueil II dans une version raccourcie et corrigĂ©e par Vsevolod Ivanov qui Ă©monda, sur les indications de Gorki, le style par trop hyperbolique et pathĂ©tique de lâĂ©dition en livre, ainsi que des scĂšnes trop naturalistes ». Des extraits paraissaient au mĂȘme moment dans la Literaturnaja gazeta 5 aoĂ»t et dans une autre revue de Gorki, NaĆĄi dostiĆŸenija n° 8. Le roman sera rééditĂ© en 1934, 1935, 1936 et 1937 et portĂ© au cinĂ©ma en 1935 scĂ©nario dâAvdeenko, rĂ©alisateur L. Loukov, Ukrainfilm. 14La critique soviĂ©tique vit dans Jâaime lâune des Ćuvres de la littĂ©rature prolĂ©tarienne les plus significatives de lâannĂ©e plus de vingt comptes rendus paraissent en 1933-1935. Dans un article intitulĂ© Le droit au rĂȘve » Literaturnyj kritik, 5, 1933, A. Selivanovski qui avait appartenu Ă la RAPP, et qui sera liquidĂ© » en 1938 apprĂ©cia lâhyperbolisme, qui prov[enait] de la tendance Ă dĂ©tacher et Ă souligner ce quâil y a de meilleur dans la rĂ©alitĂ© [âŠ] et qui [Ă©tait] organiquement inhĂ©rent au romantisme rĂ©volutionnaire ». Pseudonyme », pour Gorki, du rĂ©alisme socialiste, le romantisme rĂ©volutionnaire avait Ă©tĂ© rĂ©habilitĂ© en 1932, contre la RAPP, dissoute la mĂȘme annĂ©e [12]. Un autre compte rendu du mĂȘme critique, dans la Pravda 13 dĂ©cembre 1933, dĂ©signa Jâaime comme un puissant document artistique de lâoptimisme socialiste ». V. Ermilov en fit un des modĂšles du lyrisme prolĂ©tarien » Pravda, 12 novembre 1933. Les dĂ©fauts du roman ne sont toutefois pas ignorĂ©s. Selivanovski relĂšve des dĂ©fauts idĂ©ologiques le travail rĂ©volutionnaire » dâavant 1917 grĂ©vistes, militants du parti est montrĂ© de façon peu expressive », et esthĂ©tiques composition, langue. Pour S. Dinamov liquidĂ© en 1939, le roman est inĂ©gal et lâhĂ©roĂŻsme mĂȘme du travail est critiquable En rĂ©alitĂ©, lâessentiel dans le travail nâest pas lâhĂ©roĂŻsme ou le courage dans des circonstances extraordinaires, mais lâendurance tenace quotidienne [13]. » 15Câest dâabord en France que le roman parut en traduction, pratiquement en mĂȘme temps quâen URSS, avec des extraits dans LittĂ©rature de la rĂ©volution mondiale [14], puis Ă la fin de lâannĂ©e 1933 la traduction complĂšte sortit aux Ăditions sociales internationales, dans la Collection du roman international », aux cĂŽtĂ©s de classiques [15]. La traduction anglaise parut en 1934 et le roman fut publiĂ© dans de nombreux pays. Avdeenko fut lancĂ© » sur le marchĂ© mondial selon les rĂšgles du marketing et le vertige du succĂšs16La cĂ©lĂ©britĂ© et les privilĂšges matĂ©riels sâabattent sur Avdeenko, dâemblĂ©e incorporĂ© Ă la machine politico-littĂ©raire. En aoĂ»t 1933, il est invitĂ© Ă participer Ă la tournĂ©e des Ă©crivains au nombre de cent vingt sur le canal de la mer Blanche Ă la Baltique, organisĂ©e par le chef de ce grand chantier de travaux forcĂ©s qui ne fut rĂ©vĂ©lĂ© Ă lâopinion publique quâune fois achevĂ©, S. Firin, directeur-adjoint des camps de lâOGPU Goulag. Avdeenko ne figure pas parmi les trente-six auteurs du gros volume collectif dirigĂ© par Gorki, Averbach et Firin ces deux derniers seront victimes des purges. Nous ne connaissons ses impressions que dâaprĂšs sa confession de 1989, ChĂątiment sans crime, qui a le mĂ©rite de ne pas projeter le temps de lâĂ©criture la perestroĂŻka et sa nouvelle dĂ©stalinisation sur le temps racontĂ©. Avdeenko ne cache pas son enthousiasme dâalors pour lâĆuvre de rééducation par le travail » de ceux quâil croit sincĂšrement ĂȘtre des condamnĂ©s de droit commun et des ennemis du peuple » koulaks », saboteurs »âŠ. Mais son don dâobservation lui fait noter des dĂ©tails qui lâĂ©tonnent ou lâintriguent DĂšs lâinstant oĂč nous devĂźnmes les hĂŽtes des tchĂ©kistes, commença pour nous le communisme intĂ©gral. Nous mangeons et buvons selon nos besoins, sans rien payer. Saucisson fumĂ©, fromages, caviar, fruits, chocolat, vins, cognac. En pleine annĂ©e de famine [16] ! » Un banquet Ă Leningrad Ă lâAstoria digne de Lucullus, une nuit dans le train et un petit dĂ©jeuner mirifique prĂ©cĂšdent la visite dâun premier camp 17 Les baraques sont soigneusement blanchies. Les allĂ©es sont recouvertes de sable jaune ou blanc et bordĂ©es de gazon avec des fleurs. [âŠ] Partout, des bancs de bois peint sur lesquels sont assis des hommes sains et gais. Dans les baraques, des lits superposĂ©s, dâĂ©paisses paillasses, des draps et des couvertures, des oreillers dans des taies propres. La table est recouverte dâune toile cirĂ©e propre. Il y a un journal prisonniers rĂ©pondent sans hĂ©siter Ă toutes les questions, lâair vif et gai. Oui, ils volaient, pillaient, ils ont Ă©tĂ© condamnĂ©s. Sont devenus des travailleurs de choc terrassement, abattage des arbres, bĂ©tonnage, construction dâĂ©cluses [17]. » 18Il nâest pas venu Ă lâidĂ©e dâAvdeenko quâil sâagissait du village de Potemkine », peuplĂ© pour lâoccasion de tchĂ©kistes. Il est convaincu, pour lâavoir vĂ©cu lui-mĂȘme, que le criminel est refondu en ĂȘtre humain ». Les questions insidieuses du critique Sviatopolk-Mirski, prince devenu communiste, rentrĂ© dâAngleterre en URSS en 1932, qui pousse S. Firin Ă reconnaĂźtre que les neuf dixiĂšmes des condamnĂ©s sont des paysans dĂ©koulakisĂ©s », gĂȘnent Avdeenko il ne peut ni ne veut voir notre vie Ă travers les lunettes » de Mirski qui sera liquidĂ© en 1939. La rencontre du poĂšte S. Alymov, auteur de chansons trĂšs connues, qui a les larmes aux yeux, lâĂ©tonne mais nâĂ©branle pas ses convictions. 19Avdeenko est ensuite invitĂ© au premier congrĂšs des Ă©crivains soviĂ©tiques, en aoĂ»t 1934. Son intervention le 23 aoĂ»t, publiĂ©e dans la Pravda du 24 sous le titre Il faut aider les jeunes Ă©crivains » est autobiographique, comme toutes les interventions publiques dâAvdeenko des annĂ©es 1930 il Ă©voque son passĂ© de truand, de bĂȘte sauvage », dĂ©nonce lâindiffĂ©rence des Ă©crivains pour la vie nouvelle, demande plus dâattention envers les jeunes Ă©crivains. 20En dĂ©cembre 1934, la Pravda publie un rĂ©sumĂ© du discours quâAvdeenko avait prononcĂ© Ă Sverdlovsk lors dâune rĂ©union de lâ intelligentsia soviĂ©tique » consacrĂ©e aux Ă©lections des soviets. IntitulĂ© Au sujet du travailleur intellectuel » Ob intelligente », ce discours oppose le vieux terme dâintelligent intellectuel devenu une injure chez les ouvriers, mais aussi chez Gorki et LĂ©nine avant la RĂ©volution, Ă la notion soviĂ©tique dâintelligent qui embrasse tous ceux qui ne sont ni ouvriers ni paysans. Encore une fois, Avdeenko retrace lĂ son expĂ©rience et termine par une litanie de louanges au pouvoir soviĂ©tique 21 Je rĂȘve de crĂ©er quelque chose dâimmortel, de voler sur la lune, de parcourir tout le globe terrestre, de voir le socialisme en Europe et en AmĂ©rique ; je peux faire des rĂȘves si audacieux, car mon imagination crĂ©atrice nâest brimĂ©e par personne, et tout cela grĂące Ă toi, pouvoir soviĂ©tique [18]. » 22Ălu dĂ©lĂ©guĂ© de lâOural, Avdeenko participe au 7e CongrĂšs des soviets, Ă Moscou, en janvier-fĂ©vrier 1935. Ă lâapparition de Staline Ă la tribune, il est pris par lâhystĂ©rie collective. 23Le discours quâil prononça ensuite commence et finit par un hymne Ă Staline, qui encadre des souvenirs autobiographiques sur le passĂ© de besprizornik de lâauteur 24 Je deviendrai trĂšs vieux, mais je nâoublierai jamais comment, il y a deux jours, nous avons accueilli Staline. Je nâai jamais Ă©tĂ© plus heureux quâĂ voir et Ă Ă©prouver en moi la profondeur de lâamour et du dĂ©vouement pour Staline. Des siĂšcles passeront et les gĂ©nĂ©rations communistes de lâavenir nous tiendront pour les plus heureux des mortels, de tous les vivants de la terre de tous les siĂšcles, parce que nous avons vu Staline, le chef gĂ©nial, sage, riant, affectueux, majestueusement simple [19]. » 25En pĂ©roraison, Avdeenko reprend la doxologie du discours de Sverdlovsk, mais les louanges sâadressent maintenant nommĂ©ment Ă Staline et non plus au pouvoir soviĂ©tique » [20] 26 Je jouis de tous les droits du citoyen. Je ne suis atteint dâaucune maladie. Je suis fort. Je cultive en moi les meilleurs sentiments humains lâamour, le dĂ©vouement, lâhonnĂȘtetĂ©, lâabnĂ©gation, lâhĂ©roĂŻsme, le dĂ©sintĂ©ressement, tout cela grĂące Ă toi, grand Ă©ducateur Staline [velikij vospitatelâ Stalin]. [âŠ]Je suis heureux, joyeux de vivre, je me sens un courage inĂ©branlable, câest Ă regret que je me couche, je suis joyeux de me rĂ©veiller. Je vivrai cent ans, mes cheveux blanchiront, mais je serai Ă©ternellement heureux, joyeux â tout cela grĂące Ă toi, grand Ă©ducateur Staline. [âŠ]Lorsque ma femme aimĂ©e me donnera un enfant, le premier mot que je lui apprendrai sera Staline [21]. » 27Aragon reproduisit ce discours de lâ homme nouveau » en annexe Ă son article Ă lâorigine, une confĂ©rence DâAlfred de Vigny Ă Avdeenko. Les Ă©crivains dans les Soviets » [22]. Lâarticle a pour sujet la science prodigieuse de la rééducation de lâhomme », illustrĂ©e par lâ extraordinaire expĂ©rience du Canal de la mer Blanche Ă la Baltique, oĂč des milliers dâhommes et de femmes, les bas-fonds dâune sociĂ©tĂ©, ont compris devant la tĂąche Ă accomplir, par lâeffet de la persuasion dâun petit nombre de tchĂ©kistes qui les dirigeaient, leur parlaient, les convainquaient, que le temps est venu oĂč un voleur, par exemple, doit se requalifier dans une autre âprofessionâ, parce que je vous demande un peu ce que serait la place dâun voleur dans une sociĂ©tĂ© socialiste ! » Pratiquant lâautocritique, Aragon met en parallĂšle la transformation du singe social de notre temps en lâhomme socialiste de lâavenir » et sa propre rééducation de surrĂ©aliste en partisan du rĂ©alisme socialiste, aprĂšs un voyage en URSS qui fut pour lui un BiĂ©lomorstroĂŻ intellectuel [23] ». 28En 1933, le critique S. Dinamov Ă©crivait Avdeenko a fait un beau dĂ©but dans la littĂ©rature. Mais lâascension, ensuite, est plus difficile [24] ». Avdeenko lui-mĂȘme le pressentait au congrĂšs des Ă©crivains. Le manuscrit de son deuxiĂšme roman intitulĂ© Ă lâorigine La Capitale Stolica fit lâobjet dâune critique argumentĂ©e 11 pages de A. Chtcherbakov, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâUnion des Ă©crivains, qui sera approuvĂ©e sans rĂ©serve par Gorki, toujours trĂšs sĂ©vĂšre pour les Ă©crivains prolĂ©tariens qui, forts de leur origine sociale, nĂ©gligeaient le travail et lâĂ©tude Chtcherbakov reprochait Ă Avdeenko, outre des fautes stylistiques, de ne pas avoir suffisamment reflĂ©tĂ© le rĂŽle hĂ©roĂŻque et dirigeant du parti », dâavoir au contraire fait parler les saboteurs » et contre-rĂ©volutionnaires » avec trop dâexpressivitĂ©, et dĂ©crit lâhĂ©roĂŻsme des ouvriers victimes par centaines de graves gelures en termes de sacrifice [25]. Sous le titre de Destin Sudâba, le roman parut nĂ©anmoins dans la revue Oktjabrâ n° 11-12, 1935 puis en 1936 en Ă©dition sĂ©parĂ©e Ă Sverdlovsk et Ă Moscou Goslitizdat, 270 pages. Ă lâorigine, Avdeenko voulait traiter du premier plan quinquennal et de la lutte contre les saboteurs », mais la tĂąche fut au-dessus de ses forces » [26], et il revint au schĂ©ma antithĂ©tique de Jâaime dâun cĂŽtĂ©, un paysan pauvre qui fuit la collectivisation, parcourt tout le pays Ă la recherche dâune vie meilleure, puis devient ouvrier de choc sur le chantier de Zheleznogorsk Magnitogorsk. Il reçoit en prime une bicyclette sur laquelle il ne sait pas monter et un appartement, quâil meuble bourgeoisement armoire Ă glace, tapis. On le voit compter et caresser lâargent quâil a gagnĂ© sa psychologie de petit propriĂ©taire nâa pas changĂ©. Ă lâopposĂ©, son fils Mikola, petit voyou en puissance, sâintĂšgre Ă un bataillon dâenthousiastes » qui veulent voler et non ramper » thĂšme gorkien et dont la charte ressemble Ă celle dâun monachisme fanatique renonciation Ă toute vie personnelle, fusion avec le collectif. Il devient lâun des meilleurs ouvriers du chantier, toujours prĂȘt Ă se dĂ©passer. Ce roman de rééducation » est aussi un roman de production » typique, avec des bons et des mĂ©chants les saboteurs », et la figure tutĂ©laire du commissaire du peuple Ă lâIndustrie lourde, S. Ordjonikidze qui se suicidera en 1937 [27]. 29La critique trouva beaucoup de dĂ©fauts au roman. G. Kolesnikova nota une composition lĂąche, avec un mĂ©lange de dialogues interminables, de descriptions lyriques du paysage et de reportages journalistiques ; la majoritĂ© des personnages ont un modĂšle littĂ©raire chez Panferov, Ehrenbourg, Kotchin, Cholokhov, et il y a mĂȘme des scĂšnes plagiĂ©es. De plus, les hĂ©ros dâAvdeenko pensent Ă©tonnamment peu, et de maniĂšre naĂŻve », y compris le chef du chantier et le secrĂ©taire du comitĂ© du parti. Encore moins rĂ©ussis sont les saboteurs, qui rappellent plus des pillards dâun tripot perdu que des gens liĂ©s Ă une organisation de saboteurs ou autre. » LâhĂ©roĂŻsme du travail, dont Avdeenko est le chantre, est tellement hyperbolique quâil en devient invraisemblable ou suspect 30 Dans son dĂ©sir de montrer lâhĂ©roĂŻsme des constructeurs, Avdeenko est allĂ© trop loin, et Ă la place dâenthousiastes, a prĂ©sentĂ© des âmartyrs du travailâ. Lâauteur dĂ©crit le travail comme une autotorture permanente, sâefforçant de prĂ©senter cette torture comme une jouissance suprĂȘme, dans un contexte de solennitĂ© et de fĂȘte. Par moins 50-60 degrĂ©s, les ouvriers travaillent au son dâun orchestre de cuivres. Lâun des enthousiastes du chantier, Gitara, touche une rampe de fer et y laisse des lambeaux de peau. [âŠ] Les ouvriers de choc, qui nâont pas pris de repos aprĂšs trois nuits de travail, demandent de nouvelles tĂąches [28]. » 31La rĂ©alitĂ©, cependant, affleure bien lâhĂ©roĂŻsme masochiste des enthousiastes il y en avait, les cadences et les conditions infernales de travail sont caractĂ©ristiques de ces grands chantiers staliniens. 32Le naturalisme » contre lequel avec le formalisme » une campagne venait dâĂȘtre lancĂ©e, est aussi dĂ©noncĂ© Les hommes qui arrivent au chantier ont un aspect animal âsales, hĂ©rissĂ©s dâune barbe dure, imprĂ©gnĂ©s de fumĂ©e et de sueur Ăącre de cheval.â » Mais nâest-ce pas dans cet Ă©tat quâarrivaient au chantier les koulaks » dĂ©portĂ©s, qui constituaient un cinquiĂšme de la main-dâĆuvre ce quâAvdeenko ne dit pas [29] ? La naturalisme est aussi dĂ©noncĂ© dans les scĂšnes dâaccouchement il y en a cinq, repoussantes, au dĂ©but du roman et dans des scĂšnes dâamour On ne sait pourquoi lâauteur estime nĂ©cessaire de montrer nue la jeune fille que Mikola aime, Nina, au moment de leur premier rapport [30]. » 33La conclusion du critique est sĂ©vĂšre Le succĂšs a tournĂ© la tĂȘte du jeune Ă©crivain. Il a trop comptĂ© sur son talent innĂ© et a oubliĂ© la nĂ©cessitĂ© dâun labeur opiniĂątre sur lui-mĂȘme. » Et sont donnĂ©s en exemple Knut Hamsun, Jack London, Marc Twain et Maxime Gorki. 34Dans la Pravda 6 avril 1936, D. Zaslavki, initiateur de nombreuses campagnes de dĂ©nonciation dâĂ©crivains, qualifia le roman dâinachevĂ©, brut syraja kniga et reprocha Ă la revue Oktjabrâ de lâavoir publiĂ© sous cette forme. Zaslavski critique la prĂ©dominance de lâ enthousiasme romantique » des komsomols sur le calcul mĂ©thodique et rigoureux des bolcheviks ». 35Avdeenko nâen continue pas moins une belle carriĂšre il est lâenvoyĂ© spĂ©cial de la Pravda en Ukraine occidentale 1939, puis en 1940 en Bucovine du Nord, que lâURSS vient dâannexer aprĂšs la signature du pacte germano-soviĂ©tique [31].La chute36Du roman, Avdeenko passe Ă lâĂ©criture de scĂ©narios de films. AprĂšs le scĂ©nario de Jâaime, en 1935, il Ă©crit en 1939 La Loi de la vie Zakon ĆŸizni, rĂ©alisĂ© par A. Stolper et B. Ivanov aux studios Mosfilm. Câest ce film, sorti sur les Ă©crans le 7 aoĂ»t 1940, avec le visa du vice-prĂ©sident du conseil des commissaires du peuple, A. Vychinski, et du prĂ©sident du ComitĂ© du cinĂ©ma, I. Bolchakov, qui va causer la chute dâAvdeenko. Un article anonyme câest-Ă -dire venant dâ en haut » et ayant valeur de directive [32] publiĂ© dans la Pravda du 18 juin 1940 dĂ©nonce la morale du film, qualifiĂ©e de fausse », et la calomnie » de la jeunesse Ă©tudiante soviĂ©tique, Ă cause de scĂšnes de beuverie dâĂ©tudiants en mĂ©decine, au cours desquelles le secrĂ©taire du comitĂ© rĂ©gional du Komsomol prĂŽne lâamour libre [33]. Le responsable de lâorganisation de base du Komsomol komsorg qui lui est opposĂ© est pĂąlot et faible et si, Ă la fin, le mal est dĂ©masquĂ© et la vertu triomphe, ce nâest pas convaincant. Ceux qui ont vu le film restent Ă©tonnĂ©s de la franchise avec laquelle Avdeenko dĂ©nonçait la dĂ©pravation de la nomenklatoura [34]. 37La revue Kino qui avait dâabord louĂ© le film pour sa sincĂ©ritĂ© » et son acuitĂ© » [35] dut rectifier le tir en publiant en mĂȘme temps que la Pravda le mĂȘme article anonyme. La dĂ©cision dâinterdire le film fut prise par Staline en personne. Le 9 septembre 1940, Avdeenko fut convoquĂ© par un tĂ©lĂ©gramme de Jdanov, secrĂ©taire du ComitĂ© central, Ă une rĂ©union spĂ©ciale du Bureau politique. Outre Jdanov, qui la prĂ©sida, et Staline, Ă©taient prĂ©sents Ă cette rĂ©union Malenkov membre du bureau politique du ComitĂ© central, A. Andreev membre du ComitĂ© central, Poskrebychev secrĂ©taire de Staline, Pospelov, Aleksandrov, Polikarpov trois responsables de la direction de lâAgitprop, I. Bolchakov, Fadeev dirigeant de lâUnion des Ă©crivains depuis 1939, Lozovski [36], et les Ă©crivains V. Kataev, Lebedev-Koumatch, Fedin, Trenev, Sobolev, Pogodin, Aseev, les deux rĂ©alisateurs et quelques autres vingt-deux personnes en tout. Staline passa Ă Avdeenko un mĂ©morable savon ». La scĂšne est dĂ©crite de mĂ©moire dans ChĂątiment sans crime [37]. On dispose maintenant du stĂ©nogramme de la sĂ©ance, et notamment de lâintervention de Staline [38], quâil donna lâair dâimproviser, en allant et venant au pied de la tribune et en tirant sur sa pipe. 38Cette intervention, qui eut lieu aprĂšs celle de Jdanov, est assez Ă©tonnante. Staline discourut dâabord sur les notions de vĂ©ritĂ© » et dâ objectivitĂ© » pravdivostâ, obâektivnostâ la littĂ©rature ne peut ĂȘtre photographique, elle doit ĂȘtre tendancieuse », servir une classe donnĂ©e mais sans tomber dans la caricature 39 Je prĂ©fĂšrerais que lâon nous prĂ©sentĂąt les ennemis non comme des monstres [izvergi], mais comme des gens hostiles Ă notre sociĂ©tĂ© sans pour autant ĂȘtre privĂ©s de certains traits humains. Le dernier salaud a des traits humains, il aime quelquâun, respecte quelquâun, est prĂȘt Ă se sacrifier pour quelquâun. [âŠ] Pourquoi ne pas reprĂ©senter Boukharine [39], tout monstre quâil Ă©tait, avec des traits humains ? Trotski est un ennemi, mais câest quelquâun de capable, il faut indiscutablement le reprĂ©senter comme un ennemi, avec des traits nĂ©gatifs, mais aussi avec de bonnes qualitĂ©s, parce quâelles existaient, câest indiscutable [40]. » 40Aux hĂ©ros de Shakespeare, Gogol ou Griboedov qui concentrent en eux tous les traits nĂ©gatifs », Staline prĂ©fĂšre une autre maniĂšre dâĂ©crire, la maniĂšre de TchĂ©khov, chez qui il nây a pas de hĂ©ros, mais des gens ternes, qui reflĂštent cependant le courant principal de la vie. Câest une autre maniĂšre dâĂ©crire ». Cela fait penser Ă lâ homme vivant » dĂ©fendu par la RAPP [41]⊠41AprĂšs ce prĂ©ambule, et sans jamais se rĂ©fĂ©rer aux canons du rĂ©alisme socialiste, Staline passe Ă Avdeenko, Ă qui il reproche non de reprĂ©senter lâennemi sous un aspect correct », mais de laisser dans lâombre les nĂŽtres », les vainqueurs pour lesquels il ne trouve pas de couleurs adĂ©quates et qui ne sont que des gringalets ou des miteux zamuxryĆĄki. Staline donne en exemple lâĂ©crivain Wanda VasilevskaĂŻa [42] et invite les Ă©crivains Ă mieux sâoccuper du menu fretin plotva dâoĂč peut Ă©merger un bon Ă©crivain, Ă sâoccuper des jeunes Ă©crivains comme un jardinier soigne ses fleurs », Ă ne pas laisser mariner » les meilleurs Ă©lĂ©ments tel Ă©tait dĂ©jĂ le thĂšme du discours dâAvdeenko au premier congrĂšs des Ă©crivains. Le film La Loi de la vie nâest citĂ© quâin fine, pour illustrer ces propos, avec une attaque ad hominem lourde de menaces Staline traita Avdeenko de Don Juan et ajouta Je voudrais me tromper, mais je doute quâil ait de la sympathie pour les bolcheviks. [âŠ] Je pense que câest un suppĂŽt de lâennemi [Äelovek vraĆŸeskogo oxvostâja]. » 42Seul Aseev osa rĂ©pliquer au chef tout en critiquant le film, et en craignant dâĂȘtre accusĂ© de libĂ©ralisme pourri », il plaignit Avdeenko, portĂ© aux nues et maintenant dĂ©criĂ© outre mesure, et il sâinquiĂ©ta du jugement positif portĂ© sur Wanda VassilevskaĂŻa Demain ou aprĂšs-demain, Wanda VassilevskaĂŻa risque de devenir le standard dâĂ©criture unique. Ce qui plaĂźt Ă Joseph Vissarionovitch Staline est une chose, une directive sur la maniĂšre dâĂ©crire en est une autre [43]. » 43Le film Ă©crit par Avdeenko ne fut quâun prĂ©texte pour rĂ©affirmer lâemprise du ComitĂ© central sur lâintelligentsia soviĂ©tique, pourtant mobilisĂ©e par la guerre. La sĂ©ance du ComitĂ© central fut suivie par lâinterdiction de plusieurs autres Ćuvres LâUnion [des Ă©crivains] a laissĂ© passer les Ćuvres antisoviĂ©tiques dâAvdeenko, la parution dâĆuvres idĂ©ologiquement nuisibles et anti-artistiques telles que les piĂšces de Leonov La TempĂȘte de neige, de Kataev La Maisonnette, de Kozakov Quand je suis seul, de GlĂ©bov Ă cĆur ouvert, que le ComitĂ© central a Ă©tĂ© obligĂ© dâinterdire [44]. » Il semble que lâon ait lĂ les prĂ©misses de la campagne de Jdanov de 1946 contre lâintelligentsia. 44Natacha Laurent qui, dans LâĆil du Kremlin, examine en dĂ©tail lâaffaire Avdeenko, victime expiatoire », propose trois niveaux dâinterprĂ©tation de cette sĂ©ance extraordinaire du ComitĂ© central. Celle-ci visait Ă clouer au pilori », pour lâexemple, un auteur qui nâĂ©tait pas sans reproche il a frayĂ© avec des dirigeants qui ont Ă©tĂ© liquidĂ©s comme ennemis du peuple », il a des traits de nouveau riche », Ă critiquer ensuite le fonctionnement de lâUnion des Ă©crivains, en lui proposant de se dĂ©barrasser de ses Ă©lĂ©ments incurables » et, troisiĂšmement, elle donnait Ă Jdanov lâoccasion de rĂ©affirmer son autoritĂ© sur tout le secteur de la propagande et de la culture » Il apparaĂźt ainsi que cette sĂ©ance du ComitĂ© central est Ă la fois le lieu dâoĂč est lancĂ©e une campagne de reprise en main de lâintelligentsia et celui oĂč sâexpriment les rivalitĂ©s entre les principaux responsables du parti [45]. » 45On comprend quâAvdeenko qui bredouilla des justifications, mais ne fit pas son autocritique sâattendait Ă ĂȘtre arrĂȘtĂ© dĂšs la fin de la rĂ©union, qui dura de 17 heures jusquâĂ minuit. Il nâen fut rien [46]. Avdeenko fut seulement immĂ©diatement privĂ© de tous ses privilĂšges matĂ©riels appartement, datcha, exclu du parti, de lâUnion des Ă©crivains, privĂ© de son mandat de dĂ©putĂ© du Donbass, limogĂ© de la Pravda, ses livres Ă©tant retirĂ©s des bibliothĂšques. Il redevint mĂ©canicien en second dâune haveuse dans le Donbass et suivit en mĂȘme temps les cours par correspondance de lâInstitut littĂ©raire Gorki de Moscou, oĂč il fut admis en rachat et lâultime confession46DĂšs le dĂ©but de la guerre, Avdeenko demande Ă sâengager, mais cela lui est refusĂ© exclu du parti, il a aussi Ă©tĂ© rayĂ© des cadres politiques dont il faisait partie, et ce nâest pas avant plusieurs mois quâil est envoyĂ© dans une Ă©cole dâartillerie. En dĂ©cembre 1942, il est finalement affectĂ© avec le grade de lieutenant Ă une division du Nord de la Russie, accompagnĂ© dâun dossier compromettant, mais son commandant, comprĂ©hensif, prĂ©fĂšre lâutiliser comme correspondant militaire du journal de la division. Avdeenko nâen reste pas moins surveillĂ© par le contre-espionnage et les sections politiques de lâarmĂ©e. Jusquâen juillet 1943, il reste interdit de publication dans la presse nationale. Câest le rĂ©dacteur en chef du journal de lâarmĂ©e, LâĂtoile rouge, Vadimov, qui demandera Ă Staline la permission de publier les reportages dâAvdeenko Cet Ă©crivain se conduit au front avec courage et jouit du respect des combattants et des commandants. Estimant que le cam[arade] Avdeenko a rachetĂ© sa faute pendant la Guerre patriotique, je demande lâautorisation de publier ses reportages dans LâĂtoile rouge. » La rĂ©solution de Staline adressĂ©e dĂ©but juillet 1943 Ă son secrĂ©taire, A. Poskrebychev reprenait cette formule Soit ! Quâon le publie Avdeenko a rachetĂ© sa faute. Staline [Pustâ napeÄatajut Avdeenko iskupil svoju vinu] [47]. » 47La mĂȘme annĂ©e 1943, parrainĂ© par N. Tikhonov et K. Simonov, Avdeenko fut rĂ©admis Ă lâUnion des Ă©crivains, sans toutefois retrouver son anciennetĂ©. En 1944, il fut rĂ©intĂ©grĂ© dans le parti. Un rĂ©cit, La Grande Famille, est publiĂ© dans Novyj mir 11-12, 1944, malgrĂ© un avis dĂ©favorable de Fadeev, qui lâavait trouvĂ© Ă la fois trop naturaliste et trop artificiel [48]. 48La guerre finie, Avdeenko Ă©crit des piĂšces De la mĂȘme gĂ©nĂ©ration 1947, qui sera jouĂ©e, mais critiquĂ©e A. Borchtchagovskij, Novyj mir, 8, 1948, et resta inĂ©dite, tout comme Sous le soleil Ă©ternel 1948, Ă©galement critiquĂ©e. Il publie un gros roman de production commencĂ© en 1935, Trud Le Labeur, Profizdat, 1951, rééditĂ© en 1952 Ă Stalino, Donbass, puis en 1954 un rĂ©cit sur la vie des garde-frontiĂšres dont il partage la vie Nad Tissoj Au dessus de la Tissa, publiĂ© en mĂȘme temps aux Ă©ditions de lâarmĂ©e Voenizdat et aux Ă©ditions pour la jeunesse Detgiz. Une suite, Gornaja vesna Printemps montagnard paraĂźt en 1955. Lâensemble sera plusieurs fois rééditĂ© et portĂ© en 1958 au cinĂ©ma. Puis une troisiĂšme partie paraĂźtra en 1963. Cette trilogie ressortit au genre du roman dâaventures militaires soviĂ©tique le romantisme de la frontiĂšre », avec un garde-frontiĂšre soviĂ©tique et un espion de la CIA, tous deux Ă©pris dâune kolkhozienne de choc, prisĂ© de la jeunesse et des autoritĂ©s un compte rendu de L. Shejnin dans Smena 13, 1955 est intitulĂ© Un livre qui enseigne la vigilance ». Avdeenko exploite cette veine dans les annĂ©es 1960-1970, avec dâautres livres du mĂȘme genre La FrontiĂšre, LâĂclaireur [Sledopyt]. 49En 1957, sous le DĂ©gel, Avdeenko réécrit et complĂšte Jâaime, puis lui donne une suite qui paraĂźtra au dĂ©but de lâannĂ©e 1967 dâabord dans la revue Junostâ, avec une prĂ©face V. Kataev. Lâensemble dĂ©passe les 600 pages. La comparaison des textes de 1933 147 pages et de 1957 343 pages ne peut ĂȘtre menĂ©e ici. Lâintrigue est profondĂ©ment modifiĂ©e le hĂ©ros, devenu ouvrier de choc », est grisĂ© par les honneurs, ferme les yeux sur la rĂ©alitĂ© misĂšre, arrestations, devient arrogant, carriĂ©riste, sa femme le quitte. Il ne retrouve lâestime de ses camarades et de sa femme quâaprĂšs ĂȘtre venu en aide Ă la femme et aux enfants dâun prĂ©sident de kolkhoze qui a Ă©tĂ© emprisonnĂ©. Le roman quâil a Ă©crit est acceptĂ© par Gorki, mais sa femme meurt aprĂšs avoir vu en rĂȘve la main dâune autre femme se poser sur la tĂȘte de son mari. Avdeenko semble avoir mis en scĂšne ses dĂ©mons, pour les expier. Le tragique fait irruption dans lâoptimisme rĂ©volutionnaire. Les deux passages que nous avons citĂ©s le rĂȘve utopique et lâannonce dâun enfant, voir notes supra ont disparu. Un critique se demande, en 1967, si lâamertume de la fin de lâĆuvre nâefface pas lâexploit du peuple, qui a construit la sociĂ©tĂ© socialiste malgrĂ© tous les Ă©checs et les fautes [49] ». 50En 1963, la contre-rĂ©volution » hongroise de 1956 inspire Ă Avdeenko un roman, Les Cloches noires, puis câest lâassassinat de John F. Kennedy 1963, victime du capital monopolistique » qui sert de sujet Ă un nouveau roman, Sur les traces des invisibles 1975. Avdeenko est le type mĂȘme de lâĂ©crivain officiel, vantant les exploits des garde-frontiĂšres et dĂ©nonçant les intrigues de lâOccident contre la patrie du socialisme. Rien ne laissait deviner la confession de 1989, ChĂątiment sans crime. 51Lâouvrage se prĂ©sente comme une nouvelle autobiographique et confession » qui couvre les annĂ©es 1933-1953. Avdeenko commence son rĂ©cit au moment de la parution de Jâaime, lâĂ©tĂ© 1933. Il raconte lâivresse du succĂšs, la renommĂ©e qui sâabat brusquement sur lui, sa croisiĂšre accompagnĂ©e sur le canal de la mer Blanche et son intĂ©ressante suite lâĂ©tĂ© 1935, Avdeenko est envoyĂ© par Gorki, Mekhlis rĂ©dacteur en chef de la Pravda et Jagoda sur le chantier de construction du canal Moscou-Volga, dĂ©guisĂ© en tchĂ©kiste. Des conversations avec des dĂ©tenus le font douter de leur culpabilitĂ© et il est rappelĂ© Ă Moscou [50]. Avdeenko est ensuite envoyĂ©, toujours par la Pravda, dĂ©guisĂ© cette fois-ci en marin, sur le paquebot GĂ©orgie qui ouvre la ligne Odessa â Moyen-Orient avec une cargaison de juifs Ă©migrant en Palestine et rachetĂ©s cinq cents dollars par leurs proches Ă lâĂ©tranger. Ce voyage lui ouvre Ă©galement les yeux sur le monde p. 138. Mais le mouvement stakhanoviste lâenthousiaste p. 140. 52Ces doutes de lâĂ©tĂ© 1935, ajoutĂ©s Ă dâautres perplexitĂ©s arrestations de certaines de ses connaissances haut placĂ©es, suicide de Lominadze et dâOrdjonikidze, et surtout Ă la diatribe de Staline en 1940, se dĂ©posent dans lâĂąme dâAvdeenko, mais seront refoulĂ©s jusquâĂ la perestroĂŻka. Ă la mort de Staline, il se sent malgrĂ© tout orphelin » p. 328. 53LâintĂ©rĂȘt des mĂ©moires dâAvdeenko vient de ce que leur auteur ne réécrit pas son passĂ©, mais rend compte sans cependant tout dire de la maniĂšre de penser et de croire qui lâhabitait alors Je sus me persuader que je ne serai pas accusĂ© dâĂȘtre un ennemi du peuple dans la mesure oĂč jâĂ©tais son fidĂšle serviteur. [âŠ] MalgrĂ© les cataclysmes qui se produisaient dans le pays, je continuais Ă croire que le pouvoir soviĂ©tique Ă©tait le seul pouvoir juste sur la terre, et que Staline en Ă©tait le meilleur reprĂ©sentant. » p. 179 54Lâexamen du parcours dâAvdeenko permet de mesurer lâĂ©tendue des non-dits dans la biographie exemplaire citĂ©e au dĂ©but de cet article. Lâhistoire de cet auteur sâavĂšre riche en enseignement quant Ă la rĂ©alitĂ© des relations entre le pouvoir soviĂ©tique stalinien et les Ă©crivains. 55Pris en mains par le systĂšme politico-littĂ©raire et policier, Avdeenko devient lâillustration vivante de la politique de rééducation par le travail et de la dĂ©mocratisation du mĂ©tier dâĂ©crivain. Son premier livre, Jâaime, mis au point Ă la suite dâun travail collectif et de lâintervention dâĂ©crivains confirmĂ©s, est lancĂ© selon les rĂšgles du marketing politique en URSS et France, tandis que son auteur est utilisĂ© par lâOGPU-NKVD et pris dans un systĂšme de privilĂšges matĂ©riels et dâhonneurs qui lâenivre et le lie. 56PortĂ© au pinacle, Avdeenko est fragilisĂ© et devient une cible privilĂ©giĂ©e pour un pouvoir toujours soucieux dâĂ©crĂȘter lâintelligentsia dâexemple positif, il devient un exemple nĂ©gatif. Il reste un jouet entre les mains du pouvoir, et de Staline en personne qui intervient directement dans son destin. 57Le cas dâAvdeenko illustre dâautres phĂ©nomĂšnes caractĂ©ristiques du champ littĂ©raire stalinien et poststalinien la dĂ©nonciation dâune Ćuvre par un signal dâen haut », publiĂ© anonymement par plusieurs journaux ; la réécriture des Ćuvres ; le gommage de toutes les aspĂ©ritĂ©s biographiques dans les notices des annĂ©es 1960-1970 [51] ; le dĂ©doublement de lâĂ©crivain, qui ne prend fin quâavec la perestroĂŻka. 58Ce qui fut critiquĂ© chez Avdeenko le naturalisme », le manque de mĂ©tier est maintenant ce qui fait lâintĂ©rĂȘt de son Ćuvre dâavant-guerre Avdeenko ne parvient pas Ă transformer le rĂ©el en fiction, le narrateur sâefface devant lâauteur. GrĂące Ă son immĂ©diatetĂ© ou Ă sa naĂŻvetĂ©, la mauvaise littĂ©rature » est un document sur lâhomme et son Ă©poque. 59Refonte dâun dĂ©linquant en ouvrier-Ă©crivain, ascension et chute, rachat et confession câest tout un schĂ©ma de fonctionnement de la sociĂ©tĂ© soviĂ©tique quâillustre lâitinĂ©raire dâAvdeenko. Notes [1] Les enfants des rues, ou enfants vagabonds, sont un phĂ©nomĂšne social important des annĂ©es 1920 et 1930. Cf. V. Zenzinov, Les Enfants abandonnĂ©s en Russie soviĂ©tique, Paris, Plon, 1929 ; Ehrenbourg, La Ruelle de Moscou [ProtoÄnyj pereulok, 1927], Paris, Les Revues, 1930 ; Dorena Caroli, LâEnfance abandonnĂ©e et dĂ©linquante dans la Russie soviĂ©tique, 1917-1937, prĂ©f. de Jutta Scherrer, Paris, LâHarmattan, 2004. [2] Russkie sovetskie pisateli. Prozaiki. BibliografiÄeskij ukazatelâ, Leningrad, 1959, t. I, p. 21-22. [3] Alexandre Avdeenko, OtluÄenie [Lâexcommunication], Znamja 3, 4, 1989, puis en Ă©dition sĂ©parĂ©e sous le titre Nakazanie bez prestuplenija [ChĂątiment sans crime], M. Sovetskaja Rossija, 1991 100 000 exemplaires. Le titre renvoie Ă DostoĂŻevski, mais aussi Ă des rĂ©flexions de Marx sur la justice p. 126. [4] Allusion au titre de lâouvrage dâE. Dobrenko, Formovka sovetskogo pisatelja [Le moulage de lâĂ©crivain soviĂ©tique], Saint-PĂ©tersbourg, 1999 ; traduit pour partie en anglais dans Aesthetics of Alienation Reassesment of Early Soviet Cultural Theories, Evanston, North-Western University Press, 2005. Voir les comptes rendus publiĂ©s dans la Revue des Ă©tudes slaves, 72 3-4, 2000, p. 627-630 et 76 4, 2005, p. 584-586. [5] âZa Äto ja aplodiroval Stalinuâ, ReÄâ pisatelja tov. A. Avdeenko », Pravda, 1er fĂ©vrier 1935 ; trad. fr., âPourquoi jâai applaudi Stalineâ, discours du camarade Ă©crivain A. Avdeenko [au 7e CongrĂšs des soviets de lâURSS] », Commune, 20, avril 1935, p. 827-828. [6] Avdeenko ne sera membre du parti quâĂ partir de 1939 Nakazanie bez prestuplenija, op. cit., p. 187. [7] Alexandre Avdeenko, Ja ljublu, Moscou, 1937, p. 197-199, trad. fr., id., Jâaime, trad. du ru. par Alice Orane et Georges Roux, Paris, Ăditions sociales internationales, 1933, p. 200-202, rééd. GenĂšve, Ăditions des trois collines, 1944. [8] Alexandre Avdeenko, Jâaime, op. cit., p. 224. Lâunion entre le hĂ©ros et sa compagne, fille dâun mĂ©canicien, nâa pas Ă©tĂ© enregistrĂ©e » le code de 1926 accordait Ă lâunion libre mariage de fait » les mĂȘmes droits et devoirs quâau mariage enregistrĂ© qui, Ă partir de 1944, sera seul juridiquement reconnu. Toutefois, le code de 1926 sâinspirait moins de la morale rĂ©volutionnaire » que du rĂ©alisme et lĂ©galisait en fait les mariages religieux, encore trĂšs nombreux Ă la campagne, mais non reconnus par lâĂ©tat civil Cf. W. Berelowitch, Les dĂ©buts du droit de la famille en RSFSR. Pourquoi et comment ? », Cahiers du monde russe et soviĂ©tique, 22 4, 1981, p. 351-374. Dans la rĂ©alitĂ©, Avdeenko se maria en 1936 avec la sĆur de ZinaĂŻda Raikh, Ă©pouse de Meyerhold Nakazanie bez prestuplenija, op. cit., p. 155. [9] A. Selivanovskij, O nenavisti i ljubvi [De la haine et de lâamour] », Pravda, 13 dĂ©cembre 1933, p. 3. [10] Cf. Michel Niqueux, Quels textes lisons-nous ? Les classiques soviĂ©tiques au fil des rĂ©visions », Revue des Ă©tudes slaves, 73 4, 2001, p. 739-746. [11] Le nom de lâauteur est suivi de lâindication suivante MĂ©canicien de choc de trains de hauts fourneaux ». [12] Cf. Michel Niqueux, Le romantisme rĂ©volutionnaire et sa place dans le rĂ©alisme socialiste », in Le rĂ©alisme socialiste » dans la littĂ©rature et lâart des pays slaves, textes rĂ©unis par Michel Aucouturier et Catherine Depretto, Cahiers slaves [universitĂ© de Paris-IV], 8, 2004, p. 1-18. [13] S. Dinamov, RoĆŸdenie novogo xudoĆŸnika [La naissance dâun nouvel artiste] », Literaturnaja gazeta, 23 septembre 1933 ; trad. fr., id., Quelques notes sur la jeune littĂ©rature », LittĂ©rature de la rĂ©volution mondiale, 2, 1934, p. 157-158. [14] LittĂ©rature de la rĂ©volution mondiale, 6, 1933, p. 46-74 traduction de A. Roudnikov et A. GranovskaĂŻa. [15] Tels que Terres dĂ©frichĂ©es de Cholokhov, Hydrocentrale de M. Chaguinian, Tchapaev de D. Fourmanov, Le Tourbillon dâA. Demidov, Le Torrent de fer dâA. SĂ©rafimovitch, La Semaine dâA. Libedinski, La DĂ©faite dâA. Fadeev, Le Ciment de F. Gladkov, La CommunautĂ© des gueux [Bruski] de F. Panferov. [16] Alexandre Avdeenko, Nakazanie bez prestuplenija, op. cit., p. 13. [17] Ibid., p. 20. [18] Pravda, 9 dĂ©cembre 1934, p. 2. [19] Za Äto ja aplodiroval Stalinu », op. cit. avec dans les siĂšcles des siĂšcles » au lieu de tous les siĂšcles ». [20] Cette modification aurait Ă©tĂ© suggĂ©rĂ©e Ă Avdeenko par L. Mexlis, le rĂ©dacteur en chef de la Pravda cf. Nakazanie bez prestuplenija, op. cit., p. 86. [21] Za Äto ja aplodiroval Stalinu », op. cit. Aujourdâhui, un chercheur note que le son st » est imprononçable par un bĂ©bĂ© et interprĂšte cette substitution de la mĂšre Ă Staline comme une forme de sadisme A. Nedelâ, Eskiz stalinskoj metafiziki detstva [Esquisse de la mĂ©taphysique stalinienne de lâenfance] », Logos, 3, 2000, http// www. ruthenia. ru8085/ logos/ number/ 2000-03-24-htm. [22] Commune, 20, 1935, p. 801-815 et dans Aragon, Pour un rĂ©alisme socialiste, P. DenoĂ«l et Steele, 1935, p. 7-85, repris sans le discours dâAvdeenko au tome VI de LâĆuvre poĂ©tique, Livre Club Diderot, 1975, sous le titre Les Ă©crivains dans les Soviets », oĂč Aragon regrette certains excĂšs de langage et de pensĂ©e » p. 225. [23] BiĂ©lomorstroĂŻ chantier du canal de la mer Blanche. Dans son discours de 1935, Avdeenko disait Chacune de nos entreprises, notre systĂšme soviĂ©tique tout entier, ne sont quâun grand combinat dâusines Ă rééduquer lâhomme. » [24] S. Dinamov, op. cit., p. 158. [25] Lettre de A. S. SÄerbakov Ă Alexandre Avdeenko antĂ©rieure au 17 novembre 1934, SÄastâe literatury » Gosudarstvo i pisateli. 1925-1938 gg. [ Le bonheur de la littĂ©rature » lâĂtat et les Ă©crivains. 1925-1938, documents], D. L. BabiÄenko Ă©d., Moscou, RosspĂšn, 1997, p. 178-185 ; Nakazanie bez prestuplenija, op. cit., p. 146-147 ; V. V. Perxin, Polemika M. Gorâkogo s A. Avdeenko » [La polĂ©mique de Gorki avec Avdeenko], M. Gorâkij i ego Ăšpoxa. Materialy i issledovanija, vyp. 4, M. 1995, p. 143-149. [26] G. Kolesnikova, O novom romane Avdeenko » [Le nouveau roman dâAvdeenko], Novyj mir 5, 1936, p. 173. Le thĂšme Ă©tait surtout trop dangereux, les responsables pouvant ĂȘtre accusĂ©s de sabotage » du jour au lendemain. [27] Cf. O. Khlevniouk, Le Cercle du Kremlin. Staline et le Bureau politique dans les annĂ©es 30 les jeux du pouvoir, trad. par Pierre Forgues et Nicolas Werth, Paris, Seuil, 1996 p. 203 Ordjonikidze sâefforça, dâune certaine maniĂšre, dâentraver le dĂ©veloppement de la rĂ©pression ». [28] G. Kolesnikova, op. cit., p. 172-181. Il serait intĂ©ressant de comparer Le Destin dâAlexandre Avdeenko avec dâautres romans inspirĂ©s par la construction de Magnitogorsk Vremja vperĂ«d ! [Ă temps, en avant !] de V. Kataev 1932, Ljudi iz zaxolustâja [Les gens des coins perdus], trad. de R. Huntzbucler, Paris, Gallimard, 1960 de A. Malychkine 1931-1937, etc. [29] Cf. Stephen Kotkin, Magnetic Mountain Stalinism as a Civilization, Berkeley, University of California Press, 1995, p. 81, 434 â 40 000 dĂ©portĂ©s sur 200 000 ouvriers et ingĂ©nieurs, auxquels il faut ajouter le contingent du camp de travail rééducateur », soit 12 869 personnes en 1933 ibid., p. 230, 509. [30] G. Kolesnikova, op. cit., p. 178. Dans le roman dâAvdeenko, figure Ă©galement cette scĂšne dionysiaque », trĂšs rare dans la littĂ©rature soviĂ©tique de lâĂ©poque stalinienne, particuliĂšrement puritaine Hors dâhaleine, ils sâarrĂȘtĂšrent au milieu dâun taillis Ă moitiĂ© sombre. Nina sâaffaissa sans rien dire sur lâherbe et Ă©tendit les bras, mordillant de ses dents blanches et pointues ses lĂšvres rouge vif. Ses cils Ă©taient baissĂ©s et tremblaient. Mikola se mit Ă genoux.â Kolia, Kolienka, attendons le soirâŠâ Pas besoin dâattendre lâobscuritĂ©. Que ce soit au soleil, en plein jour⊠DĂ©shabille-toi⊠entiĂšrement⊠comme dans le lac.â Kolia !â Comme tu es bas, derriĂšre les taillis, on voyait le sable jaune. Mikola se pencha sur Nina. Elle cacha son visage dans ses cheveux. Tout en lui criait, son cĆur battait Ă tout rompre.â Regarde-moi dans les yeux ! » Alexandre Avdeenko, Sudâba, 1936, p. 225 [31] Natacha Laurent, LâĆil du Kremlin cinĂ©ma et censure en URSS sous Staline 1928-1953, Toulouse, Privat, 2000, p. 77. [32] Lâarticle a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© par un collĂšgue dâAvdeenko Ă la Pravda, collaborateur de la direction de lâAgitprop du ComitĂ© central, puis revu par Jdanov. [33] Avdeenko avait sans doute Ă lâesprit A. Kosarev, premier secrĂ©taire du ComitĂ© central du Komsomol, arrĂȘtĂ© et fusillĂ© en 1939 pour dĂ©pravation morale ». Mais cette accusation Ă©tait-elle fondĂ©e ? A. Vaksberg prĂ©sente Kosarev comme un des rares Ă avoir conservĂ© dans son comportement une simplicitĂ© ârĂ©volutionnaireâ et un certain dĂ©mocratisme dans ses contacts avec les âmassesâ » Vychinski, le procureur de Staline, Paris, Albin Michel, 1991, p. 167. [34] D. L. BabiÄenko, Pisateli i cenzory Sovetskaja literatura 1940-x godov pod politiÄeskim kontrolem CK [Les Ă©crivains et les censeurs la littĂ©rature soviĂ©tique des annĂ©es 1940 sous le contrĂŽle politique du ComitĂ© central], Moscou, 1994, p. 23 ; Natacha Laurent, op. cit., p. 76. [35] I. Vajsfelâd, Iskrennostâ i ostrota » SincĂ©ritĂ© et acuitĂ© », Kino, 23 juin 1940. [36] S. Lozovski 1878-1952, vice-commissaire aux Affaires Ă©trangĂšres 1939-1946, fusillĂ© en 1952 avec les membres du comitĂ© juif antifasciste, avait en tant que directeur des Ăditions littĂ©raires dâĂtat Goslitizdat en 1937-1939, envoyĂ© Ă Avdeenko une critique en rĂšgle du manuscrit de son roman LâĂtat, câest moi Gosudarstvo â Ăšto ja, consacrĂ© aux Ă©vĂ©nements du Donbass en 1935-1937 stakhanovisme, saboteurs. Lozovski accusait Avdeenko de calomnier le parti et lâĂtat soviĂ©tique. Jdanov lut cette lettre de vingt-cinq pages Ă la sĂ©ance du ComitĂ© central Nakazanie bez prestuplenija, op. cit., p. 211-212. Ce roman, quâOrdjonikidze avait poussĂ© Avdeenko Ă entreprendre, avait Ă©tĂ© apprĂ©ciĂ© de Makarenko, qui lui avait seulement reprochĂ© trop de naturalisme ». Avdeenko Ă©crira un autre roman sur les mineurs du Donbass, qui paraĂźtra en 1951 Trud [Le labeur]. [37] Ibid., p. 201-223. La scĂšne est relatĂ©e dâaprĂšs cette source dans Marie, Staline, Paris, Fayard, 2001, p. 594-595. [38] Vlastâ i xudoĆŸestvennaja intelligencija Dokumenty CK RKPb-VKPb-VÄK-OGPU-NKVD o kulâturnoj politike, 1917-1954 [Le pouvoir et lâintelligentsia artistique documents de ComitĂ© central du parti communiste, de la TchĂ©ka-OGPU-NKVD sur la politique culturelle, 1917-1954], A. Artizov et O. Naumov Ă©d., Moscou, 1999, p. 450-455 stĂ©nogramme non rĂ©visĂ©. [39] RemplacĂ© par Milioukov homme politique libĂ©ral et historien, Ă©migra en 1920 dans la version corrigĂ©e destinĂ©e au tome XIV des Ćuvres de Staline, qui ne parut pas ibid., p. 451. [40] Ibid., p. 451. Trotski venait dâĂȘtre assassinĂ© au Mexique par un agent de Staline 20 aoĂ»t 1940. [41] Cf. Michel Aucouturier, Le RĂ©alisme socialiste, Paris, PUF, Que sais-je ? », 1998, p. 44-45. [42] Ăcrivain polonais 1905-1964, se rĂ©fugia en URSS en 1939, prix Staline 1943, 1946, 1952. Avdeenko avait rĂ©cemment publiĂ© dans la Pravda 23 mars 1940 un article sur la vie et lâĆuvre de Wanda VassilevskaĂŻa, candidate Ă la dĂ©putation au Soviet suprĂȘme de lâURSS. [43] E. Gromov, Stalin Vlastâ i iskusstvo [Staline le pouvoir et lâart], Moscou, 1998, p. 260. Aseev nâen recevra pas moins en 1941 le prix Staline pour son poĂšme MaĂŻakovski commence ». [44] Ibid., p. 310 Jdanov, projet de rĂ©solution du ComitĂ© central, septembre 1940, Sur le travail du prĂ©sidium de lâUnion des Ă©crivains ». Cf. BabiÄenko, op. cit., p. 31-38. [45] Natacha Laurent, op. cit., p. 79-82. Jdanov venait le 6 septembre dâĂȘtre dĂ©mis de ses fonctions de directeur de lâAgit-prop et avait Ă©tĂ© remplacĂ© par G. Aleksandrov. Jdanov retrouvera cette fonction en avril 1946, Aleksandrov restant son adjoint ibid., p. 144. [46] Selon Gromov, cela tient au fait que lâaffaire avait Ă©tĂ© trop Ă©bruitĂ©e E. Gromov, op. cit., p. 261. [47] L. Maksimenkov, OÄerki nomenklaturnoj istorii sovetskoj literatury 1932-1946 », Voprosy literatury, 4, 2003, p. 247. Le gĂ©nĂ©ral Ortenberg, dans ses Souvenirs, sâattribue cette dĂ©marche, et la rĂ©ponse de Staline lui aurait Ă©tĂ© faite au tĂ©lĂ©phone cf. E. Gromov, op. cit., p. 261 ; Nakazanie bez prestuplenija, op. cit., p. 327. [48] A. Fadeev, Sobranie soÄinenij v 7 tt., t. VI, M. 1971, p. 346-348. [49] V. Survillo, Ispytanie ĆĄÄastâem » LâĂ©preuve du bonheur », Novyj mir, 9, 1967, p. 258. [50] Alexandre Avdeenko, Nakazanie bez prestuplenija, op. cit., p. 102-129. Par la suite, les rĂ©fĂ©rences aux pages de cet ouvrage seront donnĂ©es entre parenthĂšses dans le texte. [51] Avdeenko ne figure pas dans le dictionnaire biographique des Ă©crivains russes du xxe siĂšcle, qui contient pourtant tous les classiques soviĂ©tiques Russkie pisateli 20 veka. BiografiÄeskij slovarâ, Moscou, P. A. Nikolaev, 2000. [*] Professeur Ă lâuniversitĂ© de Caen, Michel Niqueux est lâauteur, en collaboration avec Leonid Heller, dâune Histoire de lâutopie en Russie PUF, 1985. Il a traduit et prĂ©facĂ© Le Cheval blĂȘme journal dâun terroriste de Boris Savinkov, Une nihiliste de Sophie KovalevskaĂŻa, Une confession de Maxime Gorki PhĂ©bus, 2003-2005, et dirigĂ© Vieux-croyants et sectes russes du xviie siĂšcle Ă nos jours » Revue des Ă©tudes slaves, 69 1-2, 1997, Religion et nation » Cahiers de la MRSH-Caen, 43, 2005, Le caractĂšre national mythe ou rĂ©alitĂ© ? Sources, problĂ©matique, enjeux » Cahiers de la MRSH-Caen, 48, 2007.kzIlrgQ.