AprĂšsune exposition au Centre Pompidou, pour un dĂ©jeuner en famille, un dĂźner en amoureux ou un verre entre amis, lâexpĂ©rience du restaurant Georges reste unique, le cadre idyllique et le site remarquable. En cuisine, le chef Claude Demoncuit propose des assiettes inventives aux prĂ©sentations Ă©purĂ©es et fait le choix de quelques produits dâexception. Saine et dĂ©licate, la
PatrickFACON, « Innovation et tensions interarmĂ©es dans les annĂ©es Pompidou. L'exemple de l'armĂ©e de l'Air », dans GRISET, Pascal (dir.), Georges Pompidou et la modernitĂ©, les tensions de l'innovation, 1962-1974, Bruxelles, Peter Lang, coll. « Georges Pompidou », sĂ©rie « Ătudes », 2006, p. 65-76.Mots-clĂ©s : ArmĂ©e de l'Air, Force de frappeLieux : -
par Patrick Kessel, cofondateur et prĂ©sident dâhonneur du ComitĂ© LaĂŻcitĂ© RĂ©publique, ancien Grand MaĂźtre du Grand Orient de France. 10 janvier 2022Patrick Kessel, Marianne toujours ! 50 ans dâengagement laĂŻque et rĂ©publicain, prĂ©face de GĂ©rard Delfau, Ă©d. LâHarmattan, 8 dĂ©c. 2021, 34 e. Câest en octobre 1988 quâexplose la premiĂšre affaire dite du voile. Telle une irruption volcanique, elle annonce des rĂ©pĂ©titions plus redoutables, la fragilisation de la laĂŻcitĂ©, la montĂ©e dâune fracturation sociale catastrophique, lâĂ©clatement de lâuniversalisme citoyen en tribalismes communautaires. Câest le pavĂ© mosaĂŻque de la RĂ©publique et des LumiĂšres qui menace de voler en Ă©clats. Un principal de collĂšge Ă Creil refuse lâentrĂ©e Ă deux jeunes filles voilĂ©es. Il essaie de les convaincre quâelles peuvent porter ce voile en venant Ă lâĂ©cole ainsi quâen en partant, mais quâĂ lâintĂ©rieur de lâĂ©tablissement scolaire personne ne porte de signes religieux ostensibles. La polĂ©mique se dĂ©veloppe. Avec mes amis, nous attendons un soutien au principal de la part des associations laĂŻques et plus encore du gouvernement de gauche. Il ne vient pas. Au contraire, des voix sâĂ©lĂšvent pour dĂ©fendre le "droit Ă la diffĂ©rence", en lâoccurrence le droit de porter le voile Ă lâĂ©cole pour ces "pauvres jeunes filles" bientĂŽt considĂ©rĂ©es comme victimes dâun ostracisme xĂ©nophobe. Le principal est traitĂ© de raciste, ce qui nâest pas sans blesser lâhomme, originaire des Antilles et aboutĂ© Ă lâhumanisme rĂ©publicain. Le ministre, saisi de lâaffaire tergiverse, dĂ©cide de ne pas dĂ©cider et transmet le plat brĂ»lant au Conseil dâĂtat !Probablement nâa -t-il pas compris sur le coup quâil tenait lĂ entre les mains une bombe Ă retardement qui pulvĂ©riserait son destin et celui de la gauche. Lionel Jospin dira par la suite combien il regrette cette dĂ©cision quâil voulait tempĂ©rĂ©e. Il expliquera lâappel au Conseil dâĂtat, "non pas pour me dĂ©rober ou pour botter en touche, mais pour refroidir les passions, craignant que les interdits laĂŻques ne valent quâĂ lâusage exclusif des arabo-musulmans et nâadoptent un contenu discriminatoire, voire raciste" [1]. La peur de passer pour raciste, la survivance dâune forme de culpabilitĂ© Ă lâĂ©gard de tout ce qui a un lien avec le passĂ© colonial de la France paralysent les tĂȘtes les mieux faites de la Gauche. Ainsi la France va-t-elle perdre trente ans en sâempĂȘtrant dans le cancer du communautarisme dont les mĂ©tastases sâattaqueront aux principaux fondements de la RĂ©publique. Cinq intellectuels, Ălisabeth Badinter, RĂ©gis Debray, Alain Finkielkrault, Ălisabeth de Fontenay et Catherine Kintzler dĂ©noncent Ă la Une du Nouvel Observateur un "Munich des consciences" [2]. Les associations laĂŻques traditionnelles et les partis de gauche ne rĂ©agissent pas. Ils considĂšrent quâil serait mal venu de critiquer les amis qui gouvernent le pays. Et que, sâagissant de deux petites filles musulmanes, sâen prendre Ă elles reviendrait Ă apporter de lâeau au moulin de lâextrĂȘme droite xĂ©nophobe. Leur silence vaut consentement. Comme si les atteintes Ă la laĂŻcitĂ©, dĂšs lors quâelles sont le fait de populations de culture ou de religion musulmanes, devaient ĂȘtre acceptĂ©es, tolĂ©rĂ©es, voire nĂ©gociĂ©es. La laĂŻcitĂ© dite "nouvelle" montre immĂ©diatement quâelle aboutit Ă renier le principe de sĂ©paration et ouvre la voie aux accommodements dits "raisonnables" et au communautarisme. Telle est dâailleurs la vraie nature de cette rupture avec la culture laĂŻque, mĂȘme si tous ses promoteurs ne semblent pas conscients des dangers quâils font courir Ă libertĂ© de conscience et Ă lâĂ©galitĂ© des droits entre toutes et tous. Il importe de rĂ©agir vite. Le 19 dĂ©cembre 1990, le ComitĂ© LaĂŻcitĂ© RĂ©publique est constituĂ©. Jâai lancĂ© lâassociation avec des personnalitĂ©s dâorigines et dâappartenances diverses qui ressentent la gravitĂ© du moment et avec une nouvelle gĂ©nĂ©ration de militants laĂŻques. Ce qui est en jeu, pressentent-ils, câest la dĂ©composition des principes fondateurs de la RĂ©publique. Maurice Agulhon, titulaire de la chaire dâhistoire au CollĂšge de France, historien internationalement reconnu de la RĂ©publique ; Louis Astre, ancien responsable Ă la FEN ; Pierre BergĂ©, homme dâaffaires ; Henri Caillavet, ancien ministre ; Jean-Pierre Changeux, neurobiologiste ; Fanny Cottençon, comĂ©dienne ; RĂ©gis Debray, philosophe ; Manuel de DiĂ©guez, philosophe ; ClĂ©ment Durand, ancien secrĂ©taire national du syndicat des instituteurs, fondateur du ComitĂ© National dâaction laĂŻque ; Alain Finkielkraut, philosophe ; Yves Galifret, ancien PrĂ©sident de lâUnion rationaliste ; Max Gallo, journaliste, ancien ministre ; GisĂšle Halimi, avocate, fondatrice du mouvement fĂ©ministe Choisir et militante du droit Ă lâIVG ; Eddy Khaldi, enseignant, syndicaliste et futur prĂ©sident des DDEN DĂ©lĂ©guĂ©s dĂ©partementaux Ă lâĂducation Nationale ; Catherine Kintzler, philosophe ; Albert Memmi, Ă©crivain, essayiste ; Sami NaĂŻr, politologue ; Claude Nicolet, historien, spĂ©cialiste des institutions et des idĂ©es politiques ; Ămile Papiernik, obstĂ©tricien ; Jean-Claude Pecker, astrophysicien ; Yvette Roudy, ancien ministre ; Claude Villers, journaliste ; Claude Vaillant, avocat,sâembarquent dans cette aventure passionnante. Claude Nicolet en est le premier PrĂ©sident et jâen assume le secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral. Henri Caillavet lui succĂšdera, puis moi-mĂȘme, Jean-Marie Matisson, ancien Grand-MaĂźtre adjoint du Grand Orient, Philippe Foussier qui deviendra Grand-MaĂźtre en 2017 et auquel je succĂšderai pour un second mandat, Jean-Pierre Sakoun et Gilbert Abergel. On trouvera quâil y a beaucoup de francs-maçons dans cette association. Ce nâest pas faux. Paul Gourdot, ancien Grand-MaĂźtre, a amenĂ© avec lui ses compagnons de route tels Pierre Aubert, de la gĂ©nĂ©ration pour qui la gauche et la laĂŻcitĂ© ne peuvent faire quâun. En vue de sa crĂ©ation jâavais obtenu du Convent, le vote dâune motion de soutien et dâune petite subvention de dĂ©marrage comme le fit le Grand Orient, Ă la fin du XIXĂšme siĂšcle, lors de la crĂ©ation de la Ligue de lâEnseignement et de la Ligue des Droits de lâhomme. Pour autant la nouvelle association est totalement indĂ©pendante de lâobĂ©dience et ne saurait sâexprimer en son nom. Sa proximitĂ© tient aux idĂ©es communes que nous dĂ©fendons en matiĂšre de laĂŻcitĂ©, proximitĂ© plus ou moins forte en fonction des diffĂ©rents grands maĂźtres qui se succĂšdent rue Cadet. Nous nâimaginons pas alors que ce petit groupe au fonctionnement exclusivement militant, sans subventions publiques, dĂ©pourvu de secrĂ©tariat permanent, de local associatif, va devenir une association reconnue de dĂ©fense et de promotion de la laĂŻcitĂ© sans qualificatif, lanceuse dâalerte, interlocutrice des autoritĂ©s, apprĂ©ciĂ©e par les uns pour ses prises de position fermes, son refus de rĂ©pondre aux invectives, sa volontĂ© de dialogue, critiquĂ©e, voire honnie par dâautres, en particulier lorsque le communautarisme va infiltrer une partie de la gauche et que lâislamisme politique sâinstallera au cĆur du dĂ©bat. Le ComitĂ© LaĂŻcitĂ© RĂ©publique lance un Grand prix national et un Grand prix international ainsi quâun prix Science et laĂŻcitĂ©, dĂ©cernĂ©s par un jury de personnalitĂ©s indĂ©pendantes et destinĂ©s Ă soutenir des femmes et des hommes engagĂ©s, souvent au pĂ©ril de leur vie, en faveur de la libertĂ© de conscience et de la laĂŻcitĂ©. Remis chaque annĂ©e dans le grand salon de lâHĂŽtel de Ville de Paris, en prĂ©sence de la Maire, Anne Hidalgo, et dâun petit millier de personnes, il rĂ©vĂšle au grand public des talents nouveaux. Mon ami Charb prĂ©side le jury en octobre 2012. "Jâai moins peur des extrĂ©mistes religieux que des laĂŻques qui se taisent", dit-t-il Ă cette occasion, nĂ©anmoins conscient que ses jours sont comptĂ©s [3]. [4] Le ComitĂ© LaĂŻcitĂ© RĂ©publique sâimplique sur de nombreux fronts. La commĂ©moration du baptĂȘme de Clovis, dont Jean-Paul II, en visite Ă Paris, veut faire lâacte de naissance de la Nation française, rassemble place de la RĂ©publique Ă Paris 65 organisations, qui dĂ©noncent le financement public de ce voyage pastoral et rappellent que "Clovis nâest pas la France". Le ComitĂ© LaĂŻcitĂ© RĂ©publique est en premiĂšre ligne avec les associations historiques. Ce sera la derniĂšre manifestation commune avant que la question du communautarisme ne divise profondĂ©ment le monde laĂŻque. Symbolique, cette bataille veut rĂ©affirmer que la Nation française nâa pas de religion et que la RĂ©publique est laĂŻque. Pierre BergĂ© dans "lâaffaire Clovis" dĂ©nonce "le retour en force du clĂ©ricalisme" [5]. Dans Marianne, je tâaime, je dĂ©nonce les pompes auxquelles donne prĂ©texte le 1500e anniversaire de la conversion de Clovis, aux frais de lâĂtat, ce qui participe dâune inacceptable remise en cause de la laĂŻcitĂ© [6]. Le ComitĂ© LaĂŻcitĂ© RĂ©publique monte en ligne contre la ratification par la France de la Charte europĂ©enne des langues rĂ©gionales ou minoritaires qui revient ipso facto Ă reconnaĂźtre des communautĂ©s rĂ©gionales comme Ă©quivalentes Ă la communautĂ© nationale avec, demain, la reconnaissance de dĂ©rogations Ă la loi commune. Il dĂ©nonce la tentative de substituer lâĂ©quitĂ© Ă lâĂ©galitĂ©. Câest lĂ une autre attaque subreptice contre les LumiĂšres. Le principe dâĂ©galitĂ© des droits et des devoirs entre tous les citoyens, quels quâils soient, dâoĂč quâils viennent, quelles que soient leurs apparences, leurs convictions, nâest pas nĂ©gociable. Nous organisons sur le sujet un colloque Ă lâAssemblĂ©e Nationale. Le ComitĂ© LaĂŻcitĂ© RĂ©publique dĂ©nonce Ă©galement, sous la prĂ©sidence Sarkozy, la crĂ©ation dâun "ministĂšre de lâIdentitĂ© nationale" et plaide en faveur dâun "ministĂšre de la citoyennetĂ©". LâidentitĂ© de la RĂ©publique, câest dâabord lâintĂ©gration dans lâuniversalisme des principes des LumiĂšres. Le ComitĂ©, qui a Ă©tĂ© en premiĂšre ligne pour dĂ©noncer lâinfiltration de lâuniversitĂ© Lyon 3, monte en ligne contre lâextrĂȘme-droite et dĂ©nonce sa tentative de dĂ©tourner la laĂŻcitĂ© Ă des fins xĂ©nophobes. Le renoncement dâune partie de la gauche Ă dĂ©fendre la laĂŻcitĂ© lui ouvre un boulevard dans lequel elle se jette. Ce sera le sens du livre Ils ont volĂ© la laĂŻcitĂ©, que je publierai en 2012 et dont la couverture sera illustrĂ©e dâun dessin de Charb [7]. LâoriginalitĂ© du ComitĂ© LaĂŻcitĂ© RĂ©publique va sâexprimer dans le dĂ©bat qui sâengage autour des affaires du voile et du communautarisme. Avec Jean-Marie Matisson, son PrĂ©sident dâalors, par ailleurs partie civile dans le procĂšs Maurice Papon, nous sommes auditionnĂ©s Ă lâAssemblĂ©e Nationale et plaidons en faveur dâune loi interdisant le port de signes religieux Ă lâĂ©cole. "Entre le fort et le faible, câest la libertĂ© qui opprime et la loi qui affranchit", Ă©crivait Lacordaire. Articles de presse, Ă©ditos, colloques se succĂšdent. Nous y invitons entre autres Ălisabeth de Fontenay, Luc Ferry, Henri Jouffa, Albert Memmi, Danielle Sallenave, Lucien SĂšve, Michel Vovelle, Yves Gallifret, Maurice Benassayag, Louis Mexandeazu, Edgar Pisani, Georges Sarre, Alain Vivien, Jean-Pierre ChevĂšnement, Xavier Pasquini, Georges-Marc Benamou. La tension monte entre associations laĂŻques. Lâenjeu le communautarisme. Jâai toujours cru aux vertus du dialogue et fais confiance Ă lâhonnĂȘtetĂ© intellectuelle de mes contradicteurs. Optimiste, jâimagine quâil est encore possible de dĂ©battre au fond et dâĂ©viter un schisme au sein de la famille laĂŻque. Dâautant que certaines amitiĂ©s perdurent. JâĂ©cris Ă Pierre Tournemire, un des principaux animateurs de la Ligue de lâEnseignement, pour lui proposer un dĂ©bat au fond avec des reprĂ©sentants de la Ligue de lâEnseignement, de la FEN et quelques autres associations. En vain. Je rĂ©itĂ©rerai cette proposition auprĂšs du PrĂ©sident dâalors de la Ligue, qui, pour toute rĂ©ponse, taxera mes amis du ComitĂ© LaĂŻcitĂ© RĂ©publique et moi-mĂȘme dâislamophobes ! Sans rĂ©ponse, jâĂ©cris une tribune dans Le Monde dont Guy Le NĂ©ouanic, qui a succĂ©dĂ© Ă Yannick Simbron comme secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral la FEN, cite des extraits dans son rapport dâactivitĂ©. Jâinterviens, comme nous le faisons rĂ©guliĂšrement, Ă la Libre PensĂ©e dont le PrĂ©sident, Marc Blondel, facilite le dialogue. Nos dĂ©saccords sont relativement mineurs et ne menacent pas la perspective de rassemblement des laĂŻques. Il serait encore possible de rĂ©flĂ©chir entre gens de bonne volontĂ© parmi lesquels plus dâun franc-maçon. Mais cette fois, la bonne volontĂ© ne suffira pas. Commence le temps des procĂšs en islamophobie. Trente ans aprĂšs la crĂ©ation du ComitĂ© LaĂŻcitĂ© RĂ©publique, lâactualitĂ© donne malheureusement raison Ă ses fondateurs. Lâuniversalisme rĂ©publicain, autrefois combattu par la seule extrĂȘme droite, est dĂ©sormais vivement attaquĂ© par des voix issues de la rive progressiste qui ont oubliĂ© les fondements de la culture et des combats de la Gauche. La laĂŻcitĂ©, clĂ© de voĂ»te de la RĂ©publique sociale et laĂŻque, se trouve mise Ă mal, traitĂ©e de "raciste" et de "colonialiste", de "bourgeoise" et de "rĂ©actionnaire", dĂšs lors quâil sâagit de lâappliquer aux musulmans comme Ă tous les autres citoyens. Dans cette traversĂ©e du dĂ©sert, le ComitĂ© a contribuĂ© avec quelques autres associations Ă sauver lâessentiel de la laĂŻcitĂ©, en particulier la loi de sĂ©paration de 1905 qui faillit ĂȘtre vidĂ©e de son contenu au prĂ©texte de modernisation. Il a activement participĂ© Ă la crĂ©ation et Ă lâanimation du Collectif des associations laĂŻques qui rassemble au Grand Orient les obĂ©diences adogmatiques et une quarantaine dâassociations dĂ©fendant une laĂŻcitĂ© sans qualificatif [8]. Ce collectif publie chaque annĂ©e un Ătat de la laĂŻcitĂ© en France. La premiĂšre Ă©dition, que je portai Ă bout de bras avec Charles Arrambourou de lâUFAL et Martine Cerf dâĂgales, nĂ©cessita beaucoup de force de conviction car elle prenait le contre-pied du premier rapport de lâObservatoire de la laĂŻcitĂ© dont le prĂ©sident Jean-Louis Bianco venait de dĂ©clarer "il nây a pas de problĂšmes de laĂŻcitĂ© en France". Cette dĂ©claration suscita une rĂ©action trĂšs ferme au sein de cet Observatoire, du dĂ©putĂ© Jean Glavany, de la sĂ©natrice Françoise Laborde et de moi-mĂȘme [9]. [Au ComitĂ© LaĂŻcitĂ© RĂ©publique,] des comitĂ©s locaux ont vu le jour dans une vingtaine de villes et rĂ©gions, organisant des rĂ©unions publiques et une action de terrain auxquelles jâai trĂšs souvent participĂ©, bien Ă©loignĂ©es du parisianisme politicien. Quelle chance fut la mienne de pouvoir compter dĂšs le dĂ©but sur tant de talents, de convictions, de culture, de soutiens amicaux, de femmes et dâhommes exceptionnels parmi lesquels Henri Caillavet et Ălisabeth Badinter occupent une place de choix [10]. » [1] Lionel Jospin, Lâinvention du possible, Flammarion, 1991, p. 295.[3] LaurĂ©ats du Prix de la laĂŻcitĂ© du ComitĂ© LaĂŻcitĂ© RĂ©publique. Ont ainsi notamment Ă©tĂ© honorĂ©s Caroline Fourest, journaliste menacĂ©e de mort, Chadortt Djavan, Ă©crivaine iranienne, menacĂ©e de mort, Djemila Benhabib, militante quĂ©bĂ©coise fĂ©ministe et laĂŻque, menacĂ©e de mort, Françoise Laborde, sĂ©natrice, Catherine Kintzler, philosophe, Jeannette Bougrab, secrĂ©taire dâĂtat, Henri Pena-Ruiz, philosophe, Shoukria Haidar, militante afghane du droit des femmes et de la laĂŻcitĂ©, menacĂ©e de mort, Jean-Luc Petit Huguenin, patron de Paprec, ayant fait voter une charte de la laĂŻcitĂ© dans son entreprise, Samuel Mayol, directeur de lâIUT de St Denis, menacĂ© de mort, Fazil Say, pianiste, emprisonnĂ© en Turquie pour son engagement en faveur des droits de lâhomme et de la libertĂ© de conscience, Zineb El Rhazoui, journaliste Ă Charlie hebdo, menacĂ©e de mort, Gorgio Napolitano, alors prĂ©sident de la RĂ©publique italienne pour son soutien Ă un patient dans le coma qui avait prĂ©alablement sollicitĂ© en vain le droit Ă mourir dans la dignitĂ©, Maryam Namazie, politique iranienne exilĂ©e, menacĂ©e de mort, le Professeur Ămile Baulieu, pĂšre de la pilule abortive, Gilles Clavreul, ancien dĂ©lĂ©guĂ© Ă la lutte contre le racisme et lâantisĂ©mitisme, Jorge Clavero, militant laĂŻque argentin, Inna Shevchenko, animatrice des Femen, Sarah Doraghi, journaliste et comĂ©dienne au nom des femmes iraniennes qui risquent leur vie pour ne pas avoir Ă porter le voile, Ensaf Haidar, Ă©pouse de Raif Badawi, blogueur condamnĂ© en Arabie saoudite Ă dix annĂ©es de prison et mille coups de fouet, pour avoir critiquĂ© la religion, Jean-Pierre Obin, auteur du rapport qui alerta en France sur le danger des revendications communautaristes Ă lâĂ©cole notamment, Boualem Sansal, Ă©crivain algĂ©rien, Georges Bensoussan, historien ostracisĂ© pour avoir, parmi les premiers, osĂ© donner son nom Ă la barbarie islamiste, FrĂ©dĂ©ric AurĂ©al, responsable du Service de la protection rapprochĂ©e SDLP, service de police discret dont les membres risquent leur vie pour protĂ©ger celles et ceux qui dĂ©fendent la laĂŻcitĂ© au pĂ©ril de leur vie. Le jury auquel ont participĂ© des responsables politiques de gauche comme de droite, anciens ministres tels Anicet Le Pors, communiste, AndrĂ© Henry, socialiste, Jacques Toubon, RPR, des intellectuels, des reprĂ©sentants dâassociations laĂŻques, a Ă©tĂ© notamment prĂ©sidĂ© par la philosophe Ălisabeth Badinter, lâancien ministre Jean Glavany, lâancienne dĂ©putĂ©e Odile Saugues, les journalistes Joseph MacĂ©-Scaron, Françoise Laborde, Renaud Dely et par Charb, mon ami, le dessinateur et directeur de Charlie.[5] Pierre BergĂ©, Lâaffaire Clovis, Plon,1996.[6] Patrick Kessel, Marianne, je tâaime, Ă©ditions Bruno Leprince, 1996.[7] Patrick Kessel, Ils ont volĂ© la laĂŻcitĂ©, Jean -Claude Gawsewitch, 2012.[8] La liste des associations membres du Collectif, dĂ©jĂ citĂ©e.[9] Le communiquĂ© Glavany â Laborde - Kessel. Voir en Annexes.[10] Ont notamment contribuĂ© Ă la crĂ©ation et au dĂ©veloppement du ComitĂ© LaĂŻcitĂ© RĂ©publique les anciens ministres AndrĂ© Henry, Guy Lengagne, Yvette Roudy,Anne-Marie Lizin, ministre belge,les dĂ©putĂ©s Christian Bataille, Jean-Louis Touraine,les anciens Grands MaĂźtres du Grand Orient Jacques Lafouge, Gilbert Abergel, Philippe Foussier, les anciennes Grandes MaĂźtresses et dignitaires de la GLFF, le recteur Alain Morvan,Jean-Philippe Simonet qui a créé le site du ComitĂ© LaĂŻcitĂ© RĂ©publique et Ădouard Moreau qui lâactualise quotidiennement,Daniel BĂ©nichou, Daniel BĆuf, Jean-Pierre Catala, Charles Coutel, JoĂ«l Denis, Marie-Danielle Gaffric, Catherine Kintzler, Guillaume Lecointre, Evelyne LĂ©vy, Jacques LĂ©vy, Jean-Marie Matisson, Jean-Claude Pecker, Nicole Raffin, Alain Seksig, Antoine Sfeir.Desimages, des Ă©motions, une Ă©criture sensible aux aventures humaines : «13h15, le samedi» et «13h15, le dimanche» proposentBiographie de Claude Simon Claude Simon et le Nouveau Roman » Le dĂ©sastre de la guerre dans la Route des Flandres Petite chronologie de La Route des Flandres LâentremĂȘlement des temps dans la Route des Flandres La sexualitĂ© dans le roman La famille dans le roman La gĂ©ographie du roman Un roman Ă cheval ? Les dialogues dans la Route des Flandres Les prolongements dans lâĆuvre de Claude Simon Textes expliquĂ©s Bibliographie de Claude Simon Sur Claude Simon Pour cette Ă©tude, nous utiliserons lâĂ©dition Minuit double n° 8, 1960 / 1982. Petite chronologie des Reixach Nous ne donnerons ici que quelques repĂšres, afin de faciliter la lecture ; Claude Simon en effet bouscule volontairement la chronologie, et le lecteur peut ĂȘtre un peu perdu. Au XVIIIĂšme siĂšcle, un ancĂȘtre Reixach, noble et conventionnel, se suicide dâune balle dans la tĂȘte ; un tableau le reprĂ©sente, une fĂȘlure rouge dans la peinture figurant la blessure fatale. Ce suicide est motivĂ© soit par lâinfidĂ©litĂ© de son Ă©pouse Virginie, soit par la dĂ©faite militaire 1808-1813. 1936 De Reixach, hobereau et propriĂ©taire dâune Ă©curie de course, ĂągĂ© de 38 ans, Ă©pouse Corinne, une jeune femme de vingt ans sa cadette. Entre 1936 et 1940, Corinne trompe peut-ĂȘtre son mari avec un jockey, Iglesia. Un aprĂšs-midi de juin, De Reixach insiste pour monter une pouliche Ă la place dâIglĂ©sia ; il perd la course et se dĂ©considĂšre aux yeux de Corinne. Durant la guerre, entre 1939 et 1940, De Reixach est mobilisĂ© ; il fait dâIglesia son aide de camp ; son cousin Georges, Ă©galement cavalier, sert dans le mĂȘme rĂ©giment comme simple soldat. Celui-ci Ă©voque son pĂšre, un intellectuel obĂšse et impotent, et sa mĂšre, Sabine, dont la mĂšre Ă©tait nĂ©e De Reixach. Pendant lâhiver 1939-1940, Georges et son escadron, comprenant Blum, iglĂ©sia et Wack, sont cantonnĂ©s dans une ferme des Ardennes ; lĂ , des paysans sâaffrontent pour une histoire dâadultĂšre, tandis quâun cheval agonise ; ils effectuent aussi des Ă©tapes de nuit sous une pluie glacĂ©e, avant et aprĂšs ce cantonnement. Durant la dĂ©bĂącle de juin 1940, tout lâescadron auquel appartenait Georges est massacrĂ© dans une embuscade ; Georges sâen sort et se retrouve avec Iglesia et De Reixach. Celui-ci meurt un peu plus tard, sur une route, en tirant son sabre dans un dernier geste de bravoure ; Iglesia et Georges sont faits prisonniers. Durant lâautomne 1940, Georges, Blum et IglĂ©sia sont emmenĂ©s en Allemagne dans un wagon Ă bestiaux. Une captivitĂ© qui dure de lâĂ©tĂ© Ă lâhiver 1940-41, avec une tentative dâĂ©vasion ratĂ©e de Georges ; Dans le camp oĂč ils sont dĂ©tenus, en compagnie de Blum, un juif â qui ne tarde pas Ă mourir de maladie â Georges tente de reconstituer lâhistoire de De Reixach. Plus tard, aprĂšs la guerre, il retrouve Corinne qui devient sa maĂźtresse durant 3 mois ; Ă la fin de lâĂ©tĂ© ils passent tous deux une nuit Ă lâhĂŽtel ; Ă lâaube, Corinne le quitte. LâentremĂȘlement des temps dans la Route des Flandres Introduction Ainsi que le montre la petite chronologie ci-dessus, plusieurs pĂ©riodes sâentremĂȘlent constamment dans le roman, au point que lâauteur lui-mĂȘme a Ă©prouvĂ© le besoin de fixer par un schĂ©ma les diffĂ©rentes pĂ©riodes, en usant dâun code couleur », comme le montre lâimage ci-dessous. La premiĂšre page du plan de montage » de la Route des Flandres. Des moments » diffĂ©rents Le prĂ©sent » du roman Ce que lâon peut considĂ©rer comme le prĂ©sent du roman, pour lequel dâailleurs alternent le rĂ©cit Ă la 3Ăšme et Ă la 1Ăšre personne, sâĂ©tend sur plusieurs mois Un cantonnement quelque part dans le Nord de la France, non loin de la route des Flandes câest lĂ quâintervient le tout premier incident avec la lettre de Sabine Ă De Reixach ; câest lĂ aussi quâaura lieu la dispute entre les paysans, et lâintervention de De Reixach tout ceci se dĂ©roule dans le froid et la pluie, durant lâhiver 1939-40. lâembuscade au cours de laquelle lâensemble du rĂ©giment sera tuĂ©, sauf quelques survivants, dont Georges nous sommes maintenant en juin 1940. Les trois cavaliers sur la route, et le suicide de Reixach ; cet Ă©vĂ©nement, lĂ©gĂšrement postĂ©rieur au prĂ©cĂ©dent, date Ă©galement de la dĂ©bĂącle de juin 1940. Georges et IglĂ©sia sont faits prisonniers. Durant lâautomne, Georges et IglĂ©sia sont transfĂ©rĂ©s en Allemagne. Ce long Ă©pisode sâĂ©tire donc durant environ neuf mois, de lâhiver 1939 Ă lâautomne 1940. On peut rattacher Ă ce prĂ©sent » ce qui apparaĂźt comme une prolepse, une projection dans lâavenir ce qui est racontĂ© au prĂ©sent pourrait nâĂȘtre quâun rĂ©cit, fait cinq ans plus tard donc en 1945, Ă Corinne. Une premiĂšre couche de passĂ© Les annĂ©es prĂ©cĂ©dant immĂ©diatement la guerre constituent une premiĂšre analepse ; on trouve deux moments essentiels Lâhistoire de Reixach, IglĂ©sia et Corinne du mariage de Reixach avec la jeune femme, Ă lâadultĂšre supposĂ© de celle-ci avec le jockey IglĂ©sia, puis la course manquĂ©e, tout cet ensemble se dĂ©roule entre 1936 et 1939. Plus prĂšs du rĂ©cit prĂ©sent », les scĂšnes entre Georges et son pĂšre, et les allusions Ă sa mĂšre Sabine, le tout Ă la veille de son dĂ©part au front, Ă la fin aoĂ»t 1939. Une seconde couche, beaucoup plus ancienne Celle-ci remonte au XVIIIĂšme siĂšcle, et reprĂ©sente une sorte de prĂ©paration Ă lâhistoire de Reixach un homme mal mariĂ©, trompĂ© par sa femme avec un valet, et qui se suicide pour des motifs plus ou moins Ă©nigmatiques. Ce passĂ© est matĂ©rialisĂ© par un tableau de famille qui figure sur la couverture du livre. Portrait de lâancĂȘtre © C. Simon. Un rĂ©cit non linĂ©aire Sâil est relativement facile de repĂ©rer ces diffĂ©rents moments de lâhistoire des personnages, la difficultĂ© rĂ©side dans lâabsence totale de linĂ©aritĂ© comme le montre lâimage du plan de montage », les sĂ©quences alternent, se superposent, sans que parfois la jointure » soit visible. Une mĂȘme scĂšne peut ĂȘtre Ă©clatĂ©e entre plusieurs moments du rĂ©cit ainsi, la rencontre avec le cheval mort, qui revient Ă plusieurs reprises. De mĂȘme, on passe presque sans transition dâun rĂ©cit fait Ă Blum pendant leur captivitĂ©, au mĂȘme rĂ©cit fait Ă Corinne, aprĂšs la guerre⊠Exemple Observons par exemple une sĂ©rie de sĂ©quences qui se trouve presque Ă la fin de la premiĂšre partie, entre la page 92 et la page 105. Page 92 Et ceci sa propre main tenant lâarme trop lourde pour son bras dâenfant » Georges Ă©voque ici le geste quâil a eu, enfant, lorsquâil a reproduit le geste suicidaire de lâancĂȘtre, inspirĂ© quâil Ă©tait par les rĂ©cits de sa mĂšre Sabine. Dans la foulĂ©e, il Ă©voque la chambre de ses parents, inchangĂ©e ou presque depuis le 18Ăšme siĂšcle, puis il imagine, en un vĂ©ritable tableau, son ancĂȘtre lisant les Ćuvres complĂštes de Rousseau au coin du feu. Le passage sâachĂšve p. 94, par une phrase inachevĂ©e qui lui ferait appliquer contre sa tempe la bouche sinistre et glacĂ©e de ce⊠» Page 94 commence une longue parenthĂšse et alors la voix de Blum disant câest le commentaire ironique de Blum sur la lĂ©gende » des Reixach, qui se termine par la rĂ©ponse Ă©vasive de Georges et Georges Bien sĂ»r. Bien sĂ»r. Bien sĂ»r. Mais comment savoir ?⊠» Si la premiĂšre partie nous ramenait, en une analepse, Ă lâenfance de Georges, lâintervention de Blum nous ramĂšne au temps de la captivitĂ©. Pages 95-99 Georges revient Ă ses souvenirs dâenfance, et au rĂ©cit trĂšs circonstanciĂ© â presque un ralenti cinĂ©matographique â de la scĂšne oĂč le valet enfonce la porte et trouve le corps dĂ©nudĂ© de Reixach. Page 99 et je me demandais sâil avait alors lui aussi cet air Ă©tonnĂ© vaguement offusqué⊠» lâĂ©vocation nous ramĂšne au moment de lâembuscade et de la mort de Wack ; mais insensiblement, au cours de la page 100, on passe de la mort de Wack Ă celle de Reixach je suppose quâen ce qui concernait son esprit il devait y avoir dĂ©jĂ longtemps quâil avait franchi le seuil au-delĂ duquel plus rien ne pouvait le surprendre ou le dĂ©cevoir aprĂšs la perte de ses derniĂšres illusions dans le sauve-qui-peut dâun dĂ©sastre⊠» Ici, la dĂ©sillusion ne peut guĂšre sâappliquer quâĂ Reixach, Wack Ă©tant considĂ©rĂ© comme trop idiot pour avoir des illusions⊠DĂšs lors, câest la silhouette de Reixach avec son sabre qui sâimpose p. 100-101, image hĂ©roĂŻque dĂ©truite par la comparaison grotesque avec les canards sans tĂȘte. Brusque passage aux haies qui cassent les ombres en escalier », avant la rencontre avec un groupe de paysans endimanchĂ©s qui leur disent de partir cette sĂ©quence, postĂ©rieure Ă la mort de Reixach, prĂ©cĂšde immĂ©diatement le moment oĂč Georges et IglĂ©sia seront faits prisonniers. On est donc revenu en juin 1940. Cette sĂ©quence dure jusquâĂ la page 105. Enfin, une brusque rupture intervient p. 105 Puis il se rendit compte que ce nâĂ©tait pas Ă Blum quâil Ă©tait en train dâexpliquer tout ça Blum qui Ă©tait mort depuis plus de trois ans maintenant⊠» Cette rupture nous ramĂšne en 1945 ; sans doute le rĂ©cit est-il fait Ă Corinne⊠Mais lâensemble des sĂ©quences antĂ©rieures, que lâon avait lues comme un rĂ©cit direct, se rĂ©vĂšle ĂȘtre un rĂ©cit aprĂšs-coup ! Ainsi, le statut mĂȘme de chaque rĂ©cit devient incertain. Le dĂ©sastre de la guerre dans la Route des Flandres Introduction Longtemps il a paru inconvenant de signaler la prĂ©sence de lâHistoire dans ce roman le dogme du Nouveau Roman » sây opposait. Mais lâon est revenu heureusement Ă une interprĂ©tation plus raisonnable de lâĆuvre de Claude Simon, qui nâest donc pas une simple combinatoire sans rĂ©fĂ©rent, pur jeu formaliste oĂč lâĂ©criture ne parlerait que dâelle-mĂȘme. Le lecteur repĂšre des moments historiques prĂ©cis dans le roman La fin du XVIIIĂšme siĂšcle, avec lâinfluence de Rousseau sur lâaristocratie Ă©clairĂ©e lâancĂȘtre De Reixach lisait toute lâĆuvre de Rousseau auprĂšs de sa cheminĂ©e, et la dĂ©sastreuse guerre en Espagne 1808-1814 qui sâacheva par une dĂ©faite française ; lâĂ©volution de la bourgeoisie dâargent au XIXĂšme siĂšcle ; La dĂ©faite devant lâarmĂ©e allemande, de lâhiver 1939 Ă juin 1940. Trois pĂ©riodes cruciales Durant les deux guerres, en Espagne et en France, les protagonistes, les De Reixach, ont jouĂ© le rĂŽle que lâon attendait dâeux lâancĂȘtre, conventionnel et rĂ©gicide, mais nĂ©anmoins aristocrate, a participĂ© comme cavalier Ă la guerre NapolĂ©onienne qui visait Ă exporter la RĂ©volution ; il a donc agi Ă la fois en Noble en servant dans lâarmĂ©e et rĂ©volutionnaire en luttant aux cĂŽtĂ©s de NapolĂ©on. Son descendant, le capitaine, sâest lui aussi engagĂ© dans la prestigieuse cavalerie ; sa mort sabre au clair est typiquement un geste de panache aristocratique mĂȘme sâil est totalement dĂ©placĂ© face aux armes modernes, en lâespĂšce une mitraillette. Quant Ă la troisiĂšme pĂ©riode, moins importante sans doute, celle qui a vu le triomphe de la bourgeoisie capitaliste, elle a marquĂ© le dĂ©clin de lâaristocratie, au profit dâune nouvelle classe dirigeante. Une image dĂ©sastreuse de la guerre Claude Simon, brigadier durant la seconde guerre mondiale, a vu de ses propres yeux, Ă la fois les erreurs stratĂ©giques et tactiques qui ont valu Ă la France une humiliante dĂ©faite, et les souffrances qui en ont rĂ©sultĂ©. Une sĂ©rie dâerreurs et dâincomprĂ©hensions durant lâannĂ©e 1940. Les Français sâattendaient Ă une attaque semblable Ă ce qui sâĂ©tait passĂ© durant la Grande Guerre », Ă travers la Belgique ils nâavaient pas anticipĂ© une attaque plus Ă lâEst, du cĂŽtĂ© de Sedan oĂč se tenait la IIĂšme armĂ©e. Câest le fameux plan Dyle », qui aboutit Ă un dĂ©sastre. Le rĂŽle dĂ©cisif des blindĂ©s nâavait pas non plus Ă©tĂ© compris malgrĂ© les avertissements dâun certain colonel De Gaulle, dans son Memorandum sur lâavĂšnement de la force mĂ©canique adressĂ© dĂšs le 26 janvier Ă 80 personnalitĂ©s on continuait de privilĂ©gier lâinfanterie, les blindĂ©s français Ă©tant alors dispersĂ©s, et non concentrĂ©s comme ceux des Allemands ; Lâarmement allemand, plus moderne et plus performant, permettait aux armĂ©es dâĂȘtre plus mobiles et de jouer de lâeffet de surprise ; Enfin, contrairement Ă lâarmĂ©e allemande, les AlliĂ©s privilĂ©giaient lâarrĂȘt, par exemple sur la ligne Maginot, sur le mouvement. DĂšs lors, ce sont les Allemands qui ont la maĂźtrise du temps attendus vers le 18 mai, lâennemi arrive dĂšs le 12 mai Ă la Meuse, Ă travers les Ardennes. DâoĂč lâemploi absurde dâunitĂ©s Ă cheval contre une armĂ©e allemande armĂ©e de blindĂ©s et de mitrailleuses ! La terrible expĂ©rience du brigadier Claude Simon. MobilisĂ© le 27 aoĂ»t 1939, il vit dâabord la drĂŽle de guerre ». Les Ă©vĂ©nements se prĂ©cipitent en mai 1940 Le 12 mai 1940, il subit sa premiĂšre attaque Ă Lez Fontaine, prĂšs de la Meuse belge ; son escadron est dispersĂ©, bat en retraite, se regroupe Ă Sart-Saint-Laurent ; le 14 mai, lâescadron est rĂ©duit de moitiĂ©. Les 14 et 15 mai, il livre de nouveaux combats et essuie un bombardement dâobus Ă Tarcienne ; il dĂ©croche au milieu de la nuit. 17 mai Ă lâaube, le rĂ©giment tombe dans une embuscade Ă Cousolre ; Simon rejoint seul Solre-le-ChĂąteau oĂč il retrouve son colonel Rey, accompagnĂ© du colonel Cuny qui a lui aussi perdu son rĂ©giment, et dâun cavalier. Il les suit jusquâĂ la route dâAvesne oĂč, prĂšs du village de Beugnies, Rey est abattu par un sniper. 18 mai Simon est fait prisonnier Ă la lisiĂšre du bois de La Garde de la Villette. DĂ©tenu Ă Avesne, puis Ă Rance, il rejoint Ă pied puis en camion Saint Vith, dâoĂč il est transfĂ©rĂ© en train, dans un wagon Ă bestiaux, un stalag Ă MĂŒhlberg sur Elbe. Le 27 octobre 1940, il sâĂ©vade et rejoint Perpignan. Tous ces Ă©vĂ©nements sont reproduits dans La Route des Flandres jusquâĂ la topographie prĂ©cise des lieux, comme en tĂ©moigne ce dessin de Claude Simon La route des Flandres â © C. Simon. Pour agrandir, cliquez sur lâimage. On comprend la colĂšre et lâamertume de Claude Simon, qui sâest senti sacrifiĂ© par les Ătats-majors La mort du vieux gĂ©nĂ©ral qui a littĂ©ralement vu disparaĂźtre sa troupe et se tire une balle dans la tĂȘte, exprime symboliquement toute lâabsurditĂ© de la guerre, jamais magnifiĂ©e, et toujours dĂ©crite comme un dĂ©sastre. Un mouvement incessant qui nâaboutit quâĂ lâembuscade, Ă la mort ou Ă la captivitĂ©, symbolisĂ© par le bruit incessant des chevaux sur la route, p. 35-36 ou 42-44 par exemple ; un mouvement sans fin et parfaitement inutile tout le trajet dâIglĂ©sia et Georges aprĂšs la mort de Reixach aboutit Ă nouveau au cheval mort ils ont tournĂ© en rond p. 114. Je savais parfaitement que câĂ©tait impossible quâil nây avait pas dâautre issue et quâĂ la fin nous serions tous pris », dit Georges alors quâil est dans le wagon qui lâemmĂšne en Allemagne p. 86. Un esprit chevaleresque » qui ne subsiste plus que sous la forme dâun geste grandiloquent et absurde, que C. Simon dĂ©crit comme un mannequin », ou quâil compare Ă des canards auxquels on a coupĂ© la tĂȘte p. 101 ; LâomniprĂ©sence de la boue, de la pluie qui dilue le paysage, du froid et de lâĂ©puisement ; puis, dans le camp, câest la faim qui devient une torture cf. p. 133. Lâobsession de lâagonie et de la mort, notamment par la rĂ©currence du cheval agonisant p. 75, ; finalement, il finit par mourir et on lâenterre p. 304, puis du cheval mort p. 29-32, puis 114-118, 271 ; les hommes aussi meurent sans cesse, le Capitaine, Wack, Blum⊠Les civils ne sont plus que de vagues silhouettes, les maisons et les villages sont dĂ©truits et nâoffrent aucun refuge. Et tout repĂšre disparaĂźt Y a plus de front, pauvre con, y a plus rien ! » p. 123 Les hommes ne sont plus que des automates, tenant Ă peine debout, rĂ©duits Ă des rĂ©flexes Georges, dans la ferme oĂč il a pĂ©nĂ©trĂ©, au dĂ©but de la seconde partie, pour prendre des vĂȘtements civils, commence par pointer son arme sur le propriĂ©taire qui a fait irruption ; puis il sâassied, incapable de rĂ©agir p. 126-128. Et il ne peut que soliloquer ironiquement Dire que çâaurait Ă©tĂ© mon premier mort. Dire que le premier coup de fusil que jâaurais tirĂ© dans cette guerre ça a failli ĂȘtre pour descendre ce⊠» p. 127 ce qui en dit long sur lâimpuissance de lâarmĂ©e française en dĂ©route ! Par la suite, dans le wagon, il se sent mĂ©tamorphosĂ© en animal p. 112. Et il remarque, Ă la mĂȘme page, que sa seule blessure dans cette guerre aura Ă©tĂ© celle infligĂ©e par un coup de poing dans le wagon bondĂ© ! Et tout cela est dĂ©pourvu du moindre sens. Une mise Ă mort ironique de lâhĂ©roĂŻsme LâhĂ©roĂŻsme guerrier, lâexaltation de la guerre sont des sentiments qui suscitent chez Claude Simon une ironie fĂ©roce. Ainsi Ă©voque-t-il le temps de la mobilisation gĂ©nĂ©rale, en 1939 ⊠dans une lumiĂšre corrodante, des fantĂŽmes sanglĂ©s et bottĂ©s gesticulaient dâune façon saccadĂ©e commes sâils avaient Ă©tĂ© mus non par leurs cerveaux de soudards brutaux ou idiots mais par quelque inexorable mĂ©canisme qui les forçait Ă sâagiter, discourir, menacer et parader, frĂ©nĂ©tiquement portĂ©s par un aveuglant bouillonnement dâĂ©tendards et de visages qui semblait Ă la fois les engendrer et les vĂ©hiculer, comme si les foules possĂ©daient une sorte de don, dâinfaillible instinct qui leur fait distinguer en leur sein et pousser en avant par une espĂšce dâauto-sĂ©lection â ou expulsion, ou plutĂŽt dĂ©fĂ©cation â lâĂ©ternel imbĂ©cile qui brandira la pancarte et quâelles suivront dans cette sorte dâextase et de fascination oĂč les plonge, comme les enfants, la vue de